ALS - Magazine 7 - Avril 2020
44 / ALSMag Claude HURIET Professeur Claude Huriet Sénateur honoraire Ancien membre du Comité international de Bioéthique de l’Unesco Du questionnement éthique à la déontologie de la recherche Me référant à cette Recommandation et, préci- sément, à l’article 12 du chapitre III intitulé « L’édu- cation et la formation initiale des chercheurs scientifiques », mon propos comportera deux parties : f l’une relative au questionnement éthique : la responsabilité morale et sociale du chercheur scientifique, fondée sur des valeurs. f l’autre concernant la déontologie de la recher- che, la déontologie au sens d’un ensemble de règles et de devoirs qu’il faut respecter pour répondre aux attentes de la société, plus préci- sément à l’attitude du citoyen vis-à-vis de la recherche, à ses attentes, à ses espoirs… et à ses exigences quant à la rigueur et à l’intégrité des chercheurs. La Recommandation reconnait : « que les découvertes scientifiques (-) ouvrent d’immenses perspectives de progrès pour le bien de l’humanité mais peuvent, en même temps, présenter certains dangers au détriment des droits humains, des libertés fondamentales ou de la dignitéhumaine»et,en toutétatdecause«posent des problèmes éthiques et juridiques complexes » « que la libre communication des résultats (–) comme le suggère l’expression « Libertés acadé- miques » se trouve au cœur même du processus scientifique et constitue la garantie la plus solide de l’exactitude et de l’objectivité des résultats scientifiques ». LES QUESTIONNEMENTS ÉTHIQUES C’est sur la prise en considération de ces dangers et de ces risques que «l’éthique de la recherche» apparaît comme une composante de la responsa- bilité sociale des chercheurs. Depuis une cinquantaine d’années, des comités d’éthique ont été créés, par consensus ou par la loi. Le plus fréquemment, il s’agit d’instances consultatives indépendantes, pluridisciplinaires et pluralistes, qui rendent des avis ou formulent des recomman- dations. Les avis émis par ces instances, la diversité des compétences et des cultures des membres qui les composent, n’imposent pas des solutions mais peuvent « éclairer » le décideur, en respectant sa liberté. Une recommandation d’un comité d’éthique peut être suivie ou non sans engager la responsabilité pénale d’un chercheur. Bien qu’il n’existe pas « d’éthique universelle » comme ma participation au CIB m’en a convaincu, le respect de l’autonomie de la personne, la bienveillance et la non-malfaisance, et l’équité sont unanimement retenus. La réponse au questionnement éthique « ne crée pas » une certitude ni une obligation qui ne peut procéder que de la loi, mais apporte « une » réponse à la question posée, telle que « tout ce qui est possible est-il permis ? », en fonction des droits humains, des libertés fondamentales ou de la dignité humaine. Joëlle Alnot a fait un inventaire exhaustif « des principaux jalons et dispositifs » qui, depuis une vingtaine d’années, concernent l’intégrité scientifique dans la recherche, tant au plan européen qu’au niveau mondial. Force est de reconnaître que la multiplicité des conférences et des réunions de toutes natures n’a pas empêché une augmentation significative des atteintes à cette exigence fondamentale qui risque de nuire à la confiance que la société doit placer dans la recherche ! Par les Recommandations, la Conférence générale de l’Unesco formule les principes directeurs et les normes destinés à réglementer internationalement une question, et invitant les Etats membres à adopter, sous forme de lois nationales, les dispositions constitutionnelles respectives des différents Etats. C’est donc en reconnaissant l’importance de la science en tant que bien commun, que l’Unesco a adopté, en novembre 2017, une Recommandation concernant la science et les chercheurs scientifiques.
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