ALS - Magazine 7 - Avril 2020

42 / ALSMag Un millefeuille de textes réglementaires Chaque réglementation comprend un corpus important de textes réglementaires mis à jour régulièrement, guides techniques, références scientifiques, listes, bases de données et agendas. Les textes relatifs au droit de l’environnement sont des directives (qui donnent des objectifs à atteindre dans un certain délai en matière de normes de rejets comme la Directive Cadre Eau). Ces directives accordent un large pouvoir d’appré- ciation des Etats Membres qui assurent le choix des moyens, du contrôle et de la surveillance de leur exécution. Les textes relatifs à la mise sur le marché de produits chimiques sont désormais tous des réglements directement applicables sans trans- cription (REACh, Biocides, phytopharmaceutiques, cosmétiques, détergents). Ils ont un caractère obligatoire et sont donc très contraignants. Ils reposent sur des normes uniformes destinées à faciliter leur libre circulation. Au niveau des Etats, il existe aussi des textes contraignants (lois comme le Code de l’environ- nement, décrets, arrêtés ministériels) adoptés par le gouvernement sans contrôle parlementaire. Principe de la démarche d’évaluation de risque La méthodologie d’évaluation du risque développée au début des années 80 et internatio- nalement reconnue, permet la gestion du risque tant au niveau générique (sur des grandes populations) que pour gérer des cas spécifiques (un sol pollué, un poste de travail …). Cette méthode n’est pas adaptée aux risques émergents et aux effets « cocktails ». L’évaluation quantitative du risque sanitaire vise à hiérarchiser les risques afin de prioriser les mesures de gestion à prendre en considération : f l’identification du/des dangers, son type (aigu, chronique), la relation dose/effet, la voie de pénétration , le devenir de la substance, sa détoxi- fication, son élimination, sa répartition. Une approche déterministe est utilisée pour des dangers dont la gravité est proportionnelle à la dose ; elle permet de calculer une dose sans effet à laquelle sont appliquée des facteurs d’incer- titude protecteurs pour l’Homme, afin de calculer une valeur toxicologique de référence spécifique d’un effet et d’une voie d’exposition. Pour les substances Cancerogènes-Mutagènes-Repro- toxiques (CMR) supposées sans seuil, l’approche probabiliste permet de calculer un excès de risque de cancer, spécifique d’un effet et d’une voie d’exposition. C’est la probabilité supplémentaire par rapport à un sujet non exposé qu’un individu contracte un cancer s’il est exposé toute sa vie (70 années par convention) à cette substance ; f l’évaluation de l’exposition à cette substance (qui est exposé, à quelle dose, combien de temps, par quelle voie) ; f la caractérisation du risque (= danger X expo- sition) selon le scenario conservateur dit « pire cas » choisi par principe de précaution ; L’évaluation permet la gestion du risque qui doit prendre en compte l’analyse économique coût/ bénéfice. LE REGLEMENT REACH C’est un règlement non transposable ni adaptable par les Etats. Son but est de limiter la circulation des substances les plus dangereuses : cancéri- gènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR), persistantes, bioaccumulatives et toxiques (PBT), très persistantes et bioaccumulables (vPvB), ou des substances « suscitant un niveau de préoccupation équivalent ». Plus de 22 000 substances produites à plus d’une tonne par an et par producteur/importateur sont soumises à une procédure de recueil systématique d’informations suivant le principe no data, no market. La mise en œuvre de l’évaluation est confié au secteur marchand : il appartient aux industriels, sur la base de l’état des connaissances acquises, d’apporter la preuve du niveau de risque des substances qu’ils fabriquent, importent ou utilisent. Les indus- triels sont encouragés à réduire les coûts en partageant les informations sur des forum d’échanges d’informations et en consortia. Débuté en 2007, le programme a pris fin en 2018, couvrant tous les bandes de tonnages de 1 à plus de 1000 T par an et par fabricant-importateur, les exigences étant plus importantes selon le tonnage mis sur le marché. REACh produit ainsi des listes et leurs agendas: substances interdites (POPs), soumises à autori- sation (SVHC), à restriction d’utilisation, liste de substances évaluées par les Etats Membres, liste de substances perturbateurs endocriniens suspectés en cours d’étude, etc.) Le processus de REACH est coopératif en sens qu’il prévoit une surveillance du public via les ONG (PNA EUROPE, WWF, Greenpeace, Amis de la Terre, Syndicats de travailleurs européens ETUI…) grâce à l’accès libre à la base de données de l’ECHA et à un processus de consultation publique selon lequel les parties intéressées peuvent soumettre des commentaires et informations scientifiques durant les processus de restrictions, substitutions, dérogations, classifications et étiquetages, propositions d’essais sur animaux vertébrés. Si les pays scandinaves, en particulier le Danemark et laSuède,soutenuspar lesPaysBas, l’Autricheet la Finlande y ont tenu et y tiennent un rôle moteur, force est de constater que la France y a joué un moindrerôledûenpartieà la faiblessede l’expertise technique des ONG françaises et au faible poids de la recherche française en toxicologie. La science réglementaire : lumière sur une discipline méconnue

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