ALS - Magazine 7 - Avril 2020
28 / ALSMag Olivier CACHARD Agrégé des Facultés de droit, Olivier Cachard est professeur à l’Université de Lorraine et membre de l’Institut François Gény. Il est vice-Président de l’Académie Lorraine des Sciences. Doyen honoraire de la Faculté de droit de Nancy, il a été invité à l’Académie de droit international de La Haye et dans de nombreuses universités étrangères. Il publie en droit des transports, droit du digital et droit des télécommunications. Liberté et responsabilité du chercheur La science elle-même est un terme polysémique, recouvrant une grande variété de pratiques et de disciplines. De façon générale, le Trésor de la langue française la définit « comme un ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois objectives (ou considérés comme tels) et dont la mise au point exige systéma- tisation et méthode ». Il existe ainsi une méthode scientifique qui se déploie dans toutes les branches du savoir faisant l’objet de classifications multiples. Une classification admise distingue les sciences exactes, les sciences de la vie et les sciences humaines et sociales. Dans toutes les branches du savoir, la recherche scientifique présente un impact sociétal incontes- table. On pense souvent à l’impact immédiat et direct que représente le dépôt d’un brevet venant couronner une recherche appliquée par une invention technique. On pense également à l’impact non moins immédiat de la recherche sur les politiquespubliquesetdoncsur l’actiondesgouver- nements. La politique de protection de l’environ- nement s’appuie notamment sur les sciences du vivant ; la politique culturelle et patrimoniale sur les études historiques ; la politique familiale sur des choix informés par des études démographiques … Dès lors, les conditions d’exercice de l’activité du chercheur ne déterminent pas simplement des enjeux relatifs à la progression des connaissances et à la vérité scientifique. De façon non moins fondamentale, elles influencent les choix politiques de la Cité et infléchissent les valeurs les mieux établies. Réciproquement, les choix politiques et les valeurs peuvent configurer des hypothèses de recherche, au point de faire de la science un enjeu de pouvoir. Il s’agit certes d’un pouvoir factuel et nond’unpouvoir institutionnel. Mais lasciencepeut être combattue au même titre que la culture 1 ou au contraire être accaparée 2 par des régimes autori- taires ; elle peut être convoitée ou captée par des intérêts financiers comme l’illustre la conjonction des Big Data et des recherches génétiques par des opérateurs privés prospérant sur la collecte d’ADN dans des buts généalogiques. Aussi l’activité du chercheur se trouve-t-elle encadrée par deux principes complémentaires. Le chercheur doit pouvoir agir dans un espace de liberté dont les limites sont définies démocrati- quement par la Cité. Mais, jouissant de cette liberté, le chercheur doit assumer la responsabilité attachée à la conduite de ses recherches. Dans cet article, la liberté et la responsabilité ne sont pas entendues comme des valeurs morales ou éthiques, mais à la fois comme des principes du bloc de constitution- nalité et comme des règles directement applicables. Selon le Trésor de la langue française , le chercheur est « Celui, celle qui cherche ou qui recherche ». Le terme peut certes désigner « un esprit curieux, inventif, adonné à des recherches spécialisées », mais aujourd’hui il désigne plus volontiers « Le titre donné à un spécialiste, le plus souvent attaché à un institut, à un organisme de recherche ». Utilisé au singulier, le terme de chercheur recouvre donc une pluralité de conditions d’exercice de la recherche scientifique : chercheur isolé, chercheur en réseau, chercheur dans un institut ou une université.
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