ALS - Magazine 7 - Avril 2020

ALS MAG ALSMag / 21 f Le principe Le Code de la santé publique après avoir énoncé (article L.1110 – 3) qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins, énonce au 7e alinéa du même article qu’hors le cas d’urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à son devoir d’humanité, le principe de non-discrimination ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essen- tielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins. C’est un rappel du principe du libre choix du patient par le médecin répondant au principe du libre choix du médecin par le patient. On pourrait penser que cette disposition n’aurait à s’appliquer que dans l’exercice libéral de la profession. En réalité l’existence d’un contrat de travail et donc d’un lien de subordination n’est nullement incompatible avec les principes qu’énonce le Code de la santé publique. f Les clauses de conscience Un médecin est en droit de refuser de réaliser certains actes qu’il considère comme contraires à sa conscience, à ses croyances profondes. Le législateur a prévu plusieurs hypothèses qu’il a réglementées. Tel est le cas de l’interruption volontaire de grossesse. Un médecin peut refuser une telle inter- vention en informant sa patiente de son refus. Il en vademêmede l’interruptionmédicaledegrossesse. On peut citer encore la stérilisation à visée contra- ceptive avec à la charge du médecin une obligation d’informer l’intéressé dès la première consultation. De même, le médecin peut refuser de participer à des recherches sur des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires. f L’obstination déraisonnable Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire. La nutrition et l’hydratation artificielle constituent des traitements qui peuvent être arrêtés. C’est une hypothèse de refus par le médecin de poursuivre des soins qu’il considère comme totalement inutiles. L’acharnement théra- peutique ou l’obstination déraisonnable est une notion laissée à l’appréciation du médecin. C’est la loi qui l’autorise à cesser des soins. L’affaire « Lambert » illustre les difficultés qu’en- gendre ce difficile problème, lorsque le patient est hors d’état de manifester sa volonté et que les personnes susceptibles d’être consultées au sein de sa famille se divisent. Les tribunaux se sont reconnu le droit de dire ce qui relève ou ce qui ne relève pas de l’obstination déraisonnable. Le Conseil d’État dans sa décision numéro 428117 du 24 avril 2019 s’est ainsi exprimé : « Il appartient au médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu’à l’issue d’une procédure collégiale, destinée à l’éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d’un arrêt du traitement, et, sauf dans les cas mentionnés au 3e alinéa de l’article L.1111 – 11 du Code de la santé publique, dans le respect des directives anticipées du patient, ou, à défaut de telles directives, après consultationde lapersonnedeconfiancedésignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs. En outre, la décision du médecin d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre un traitement traduisant une obstination déraisonnable, conduisant au décès d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté, doit être notifiée à la personne de confiance désignée par celui-ci ou, à défaut, à sa famille ou ses proches, ainsi que, le cas échéant, à son ou ses tuteurs, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile, ce qui implique en particulier que le médecin ne peut mettre en œuvre cette décision avant que les personnes concernées, qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d’un recours, n’aient pu le faire ou obtenir une décision de sa part.» f Refus de soins excédant la compétence du médecin Lemédecinnedoitpasentreprendreoupoursuivre des soins qui dépasseraient sa compétence ou les moyens dont il dispose. Il doit orienter son malade vers un de ses confrères qu’il estime compétent pour agir. Il faut toutefois réserver l’hypothèse d’une intervention du médecin face à une situation d’urgence. f De certains tempéraments apportés à la liberté de refuser ses soins s Lorsqu’il a commencé à prodiguer ses soins, le médecin doit mener sa mission jusqu’à son terme. Il doit assurer la continuité des soins. Si pour des raisons légitimes, il décidait d’inter- rompre son intervention, il devrait alors en aviser son client suffisamment à l’avance et sans mettre en péril la poursuite du traitement, en informant notamment son successeur de ce que ce dernier doit impérativement savoir pour intervenir effica- cement. s Le souci d’économie La déontologie fait obligation au médecin de limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’effi- cacité des soins. Le non-respect des références médicalesopposablespeutaboutiràdessanctions de nature financière imposées au médecin qui n’en aurait pas tenu compte. Toutes ces notions doivent être tempérées par l’obligation à la charge de tout citoyen de porter secours à celui qui se trouve en état de péril imminent. Ce devoir est pénalement sanctionné. Les sanctions peuvent être lourdes. Et plusieurs médecins ont été dans le cadre de leurs activités professionnelles mis en cause et poursuivis sur le fondement de l’article 223-6 du Code pénal. L’étude de cette infraction relèverait du droit pénal et sortirait du cadre restreint de la présente chronique. LES REFUS DE SOINS ÉMANANT DES MÉDECINS

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