ALS - Magazine 7 - Avril 2020
2 / ALSMag I l est question, dans le corps de ce septième magazine publié par l’ALS, des sciences confrontées au droit, à partir de questions de grande actualité. Mais on peut préciser d’abord que science et droit correspondent à deux façons pour l’humanité de s’établir dans le monde, de s’établir sur le monde. Du côté de la science, on trouve des individualités, animées de curiosités multiples ; du côté du droit prévalent l’organisation collective et le contrôle social. Ainsi, la patiente observation du ciel par des générations d’individus, durant des millénaires, a donné naissance à ce qui est devenu l’astrono- mie ; les calendriers qui rythment le quotidien des gens et gèrent le temps humain en sont la traduction en droit. La fixation de l’heure officielle nécessite de nos jours un règlement international. Les systèmes d’écriture, quels qu’ils soient et quels que soient leurs supports, sont des techniques, mises progressivement au point à la suite d’analyses du langage, délibérées ou spontanées, mais toujours plus précises : prise de conscience et repérage des mots, puis des syllabes, enfin décomposées en consonnes et voyelles ; on pourrait parler de science appliquée. Or ces systèmes (écritures cunéiformes, sylla- biques, alphabétiques) ont chacun, régulièrement, d’abord servi à tenir des comptes et à enregistrer des lois. A Babylone, ce fut le « code d’Ham- mourabi » ; il y eut, dans une région voisine, les «Tablesde laLoi»confiéesàMoïse ; le« linéaireB», première notation de la langue grecque, cinq siècles avant Homère, était dans les royaumes mycéniens l’instrument du fisc et du contrôle économique et social. A Rome enfin, les écrits les plus anciens qui nous soient parvenus sont des textes juridiques, telle la « Loi des XII Tables ». Et si le droit a accompagné ou même provoqué l’apparition de l’écriture, l’écriture du même coup apermisaudroitdeprendrecorps,deseconstituer en corpus scientifique. Au long du premier millénaire avant notre ère, la médecine s’est progressivement développée en Grèce, aboutissant aux V e -IV e siècles à un ensemble de traités placés sous le patronage et le nom d’Hippocrate. Le « serment d’Hippocrate » est une forme, peut-être la première, de régulation d’un domaine scientifique par ses propres acteurs : une forme de droit qui ne vient pas d’une autorité extérieure, un droit librement exercé, une déontologie. René HODOT Spécialiste de dialectologie du grec ancien, professeur émérite de l’Université de Lorraine, René.Hodot a été président de l’Université Nancy 2. Il dirige depuis 2014 l’Association pour la Diffusion de la Recherche sur l’Antiquité. Il préside la section Sciences Humaines de l’Académie Lorraine des Sciences. L e m a g a z i n e d e l ’ A c a d é m i e Avant-propos La science et le droit
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