ALS - Magazine 7 - Avril 2020

ALS MAG ALSMag / 19 Enfin l’article 16-3 autorise dans une formule concise la seule atteinte possible : « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir. » Ainsi les problèmes que pose le refus de soins sont donc sous-tendus par l’importance d’un consen- tement éclairé du malade et par l’importance du devoir d’information qui pèse sur le médecin. Ces deux principes sont à l’origine d’une abon- dante jurisprudence évolutive. Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé a mis en lumière, dans son avis numéro 87 sur le refus de traitement et l’autonomie de la personne, dans son intro- duction, le dilemme éthique que pose le refus de soins. Il est utile d’extraire de son introduction quelques phrases qui en résument l’enjeu : « Un geste thérapeutique n’est jamais anodin… l’intervention sur le corps d’une personne nécessite toujoursdepartetd’autreuneconfiance sans réserve. Il s’agit d’un véritable pacte qui trouve sa justification éthique dans la priorité accordée à l’intérêt de cette personne… or, aujourd’hui, la complexité accrue des propositions thérapeutiques et une plus grande autonomie de décision reconnue aux personnes malades dans le domaine des soins médicaux ont abouti à ce que le consentement du malade ne soit plus simplement implicite, mais doive être explicité, avec pour corrélat une plus grande attention portée à sa parole, fut-elle hostile à une proposition médicale. » Le Comité national d’éthique évoque ce que peut ressentir le corps médical au regard d’un refus de soins, alors que pour lui la maladie est conçue comme un enfermement. Ces problèmes concernent donc non seulement la médecine mais aussi la société et la justice. L’INFORMATION DU PATIENT Pour donner un consentement éclairé, encore faut-il disposer d’une information de qualité. L’article 35 du Code de déontologie fait au médecin l’obligation de donner à la personne qu’il soigne une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Cette obligation d’information est totalement distincte du dossier médical, propriété du patient. Le contenu de cette obligation a varié dans le temps. Elle faisait l’objet d’une divergence d’appréciation entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives. La jurisprudence administrative a longtemps considéré que l’obligation d’information ne s’appli- quait qu’aux risques « normalement prévisibles » On peut donner pour exemple le cas d’un patient victime de troubles oculaires. Une tumeur comprime le nerf optique. À la suite de l’exérèse de cette tumeur, le patient est atteint de cécité totale et définitive ainsi que d’une perte du goût et de l’odorat. Le risque d’altération de la fonction visuelle que comportait l’intervention était connu et ne présentait pas un caractère exceptionnel. Le défaut d’information sur ce risque constitue donc une faute. (Cour administrative d’appel de Bordeaux 5 juillet 1999 n°95BX01219) Il en est de même de l’absence d’information sur la contamination possible d’un hémophile par le VIH à l’occasion d’une intervention chirurgicale. (Cour administrative d’appel de Paris, 22 février 2000 n°98PA01004) En revanche les praticiens étaient dispensés par la jurisprudence du Conseil d’État d’informer les patients sur des risques, certes connus, mais qui ne se réalisaient qu’exceptionnellement. Il faut toutefois apporter une nuance en ce qui concerne la chirurgie esthétique. L’obligation d’information a toujours été considérée comme devant être plus large et porter sur l’ensemble des risques connus. La jurisprudence judiciaire avait, elle, retenu la responsabilité des médecins du fait d’un défaut d’information avant cette même reconnaissance par la jurisprudence administrative. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 février 1997 sur le problème de la preuve du respect de ce devoir a renversé sa jurisprudence antérieure. Cette preuve pesait jusqu’alors sur le patient. Il devait établir qu’il n’avait pas été informé des risques encourus. La Cour de cassation par son arrêt précité met à la charge du médecin la preuve que l’information a été donnée. Cet arrêt a soulevé à l’époque beaucoup d’émotion dans le corps médical. Deux arrêts postérieurs du 7 octobre 1998 modifient l’étendue de l’obligation d’informer de la manière suivante : « hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés ; il n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement. » Le Conseil d’État s’est rangé à cette jurisprudence. La Cour administrative d’appel de Paris a statué la première, en assemblée plénière, sur le cas d’un patient qui souffrait d’un déficit du membre inférieur gauche en raison d’une angiomatose héréditaire. Il avait été hospitalisé, avait subi plusieurs interventions endo-vasculaires destinées à traiter des fistules artério-veineuses. Malheureusement il fut atteint d’une paraplégie des membres inférieurs. Le commissaire du gouvernement a résumé la question d’éthique médicale que ce cas posait : « ou bien l’on considère que le malade n’a pas besoin, pour donner son consentement éclairé, d’être informé des risques dont la réalisation est exceptionnelle ; une telle information serait en effet de nature à nuire à la relation de confiance entre le malade et son médecin et le patient pourrait renoncer à une intervention pourtant nécessaire compte tenu de son état de santé ; ou bien on considère que le malade doit disposer de son corps, même souffrant, et ne consentir à subir une intervention que conscient des risques, même exceptionnels, qu’il encourt quand bien même il renoncerait à subir une intervention destinée à améliorer son état de santé » (conclusions du commissaire du gouvernement sur l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 9 juin 1998). La Cour s’est rangée à la deuxième branche de l’alternative et a considéré qu’aucune faute médicale n’avait été commise, mais que le risque de paraplégie que comportait l’intervention préconisée, quoiqu’ exceptionnel, était connu et aurait dû être porté à la connaissance du patient. La responsabilité de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris a donc été retenue. Toute cette jurisprudence se trouve à présent résumée dans le texte de l’article L. 1111 – 2 du Code de la santé publique dans la rédaction issue

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