ALS - Magazine 7 - Avril 2020
16 / ALSMag La résolution d’une affaire implique pour un enquêteur (de manière simplifiée) la démons- tration d’au moins cinq éléments inconnus a priori : la matérialité d’une infraction (ex : suicide ou crime, devant un pendu), le lieu des faits, la tempo- ralité de l’action, l’identification (victime, auteur) et le déroulement précis de l’affaire. Point par point, le déroulement des faits se constitue progressi- vement à partir de ces éléments et de leur lien de causalité. L’enquêteur arrive à une bonne résolution (on commence à y voir clair) lorsqu’on assemble tous les éléments de preuve : traces et indices, auditions, résultats d’expertise, confron- tation, etc. … Au procès, le jugement d’une affaire nécessite la récolte de tous ces « points » toujours plus nombreux. C’est au début du XXI ème siècle que commence réellement la recherche systématique des traces au travers de la collecte des empreintes digitales, des photos, des portraits robots, des objets (armes souvent) et du relevé de toutes les pièces liées à une infraction susceptibles de faire l’objet d’analyses en vue d’identification dans un premier temps, puis de comparaison et par la suite d’indivi- dualisation. La collecte de ces éléments matériels vient progressivement compléter les auditions et déclarations. L’exemple des empreintes digitales est parlant, tant il est inscrit dans l’imaginaire. On ne peut mémoriser le tracé complexe d’une empreinte digitale, et donc une bibliothèque d’empreintes digitales était inutile pour retrouver son donneur par recherche du dessin des empreintes. Les premières collections concer- naient les récidivistes dont on détenait déjà les empreintes, qui étaient utilisées en confirmation de l’identité. C’est la technique de codification des relevés d’empreintes digitales qui a permis que l’on puisse les retrouver dans une base de données. En effet, la recherche d’une trace découverte sur une scène d’infraction s’accompa- gnait d’un relevé que l’on codait puis que l’on comparait manuellement avec des collections d’empreintes détenues en centrales par la Police Nationale ou la Gendarmerie Nationale. Il faudra attendre 1974 pour que les fichiers entament la numérisation afin d’en faciliter la codification et la comparaison autrement que par la comparaison de petits cartons porteurs d’empreintes. Et ce sera en 1994 que le fichier s’automatisera réellement du fait d’emploi d’algorithmes, évolutifs et toujours plus performants, qui codent une empreinte et qui ensuite en facilitent l’appariement avec les traces, issues des scènes d’infraction, qui sont proposées au système. Progressivement les techniques déployées pour la recherche de ces traces, essentielles à la compré- hension du déroulé d’une scène d’infraction, sont de plus en plus nombreuses, et elles permettent le recueil d’indices variés et donc d’autant d’éléments matériels venant éclairer le procès et approchant une vérité par confirmation de causalité et absence de contradiction matérielle 7 . Les analyses de projectiles, de drogues, d’écriture, de papier, de sols, de fibres, de poils, de traces biologiques (par groupage immunologique ou les premières PCR), de résidus d’incendies, d’explo- sions, de traces de pas ou de pneus, de peintures, de photos, et de voix, deviennent des lieux communs 8 , indispensables au déroulé d’un procès pénal au XXI ème siècle. En revanche, leur relevé n’est devenu systéma- tique que tardivement, compte-tenu des délais nécessaires à leur exploitation, au manque d’experts dédiés et au coût engendré. Ce temps incompressible d’obtention des résultats d’expertise permet aux magistrats de disposer d’un délai d’analyse dans la construction de leur scénario et leur recherche de vérité. L’arrivée de l’informatique à la fin du XX ème siècle a modifié cette approche. Désormais l’analyse de ces prélèvements peut être automatisée au laboratoire. La recherche dans les bases devient quasi instantanée. Les équipements disponibles pour les spécialistes de scènes d’infraction, permettent des relevés d’indices directement sur le terrain au niveau des constatations, et les temps d’analyses sont réduits par les nouvelles techno- logies, entraînant une multiplicité de prélèvements et de résultats qui viennent grossir une procédure, tant en volume qu’en complexité 9 . Les analyses et les résultats scientifiques se multiplient et bien souvent ne se confirment pas exactement, les uns les autres, pour un profane. De nos jours cela peut représenter des milliers de résultats, qu’il faut pouvoir fiabiliser, re-contextualiser, analyser, évaluer, probabiliser 10 , confronter, ... pour juger. Il revient au magistrat le devoir de gérer les possibles incohérences des résultats d’enquêtes, des remises en situation et parfois les supposées contradictions des résultats scientifiques examinés 11 , le tout dans un temps de plus en plus réduit, avec pour prérequis sa compréhension des statistiques et probabilités 12 . LA SCÈNE DE CRIME (INFRACTION, TEMPORALITÉ, LOCALISATION, IDENTIFICATION ET RECONSTITUTION) Figure 3 :La recherchede traces La preuve pénale par la science en ce début de XXI e siècle
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