ALS - Magazine 7 - Avril 2020
14 / ALSMag Général Patrick TOURON Patrick TOURON est Général de gendarmerie, commandant du pôle judiciaire de la Gendarmerie Nationale et ancien directeur de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) jusque 2018. Membre du conseil scientifique de l’Institut National de Police Scientifique (INPS) et de celui du Laboratoire Central de la Préfecture de Police de Paris (LCPP), il est expert en investigations criminelles, spécialisé dans le domaine des explosifs et l’identification de victimes lors de catastrophes de masse. La preuve pénale par la science en ce début de XXI e siècle La profusion des sources d’information, la multiplication des indices exploitables sur les scènes d’infraction 1 , leur compréhension, leur partage, leur possible accessibilité à tous en ce qui concerne les indices d’origines numériques, couplée à l’arrivée d’outils complexes, à même de les analyser tels que « l’intelligence artificielle » et « l’apprentissage profond », génèrent outre des problèmes de droit, des problèmes de démonstration de la réalité couplés à ceux de la fiabilité du résultat, des difficultés de compréhension et donc d’interprétation. L’accessibilité des résultats et des données au plus grand nombre, la connaissance, tant des circonstances que des décisions de justice antérieures, les outils d’analyses prédictives qui se fiabilisent, posent déjà question à l’administration de la justice sur les aspects des délais et de l’acceptabilité des décisions, au regard des attentes de justice de citoyens connectés, pressés et peu au fait des subtilités du droit. DE LA RECHERCHE DE LA TRACE À SA DÉCOUVERTE, DE SON ANALYSE À SA TRANSFORMA- TION EN INDICE, JUSQU’À SON INTÉGRATION EN TANT QUE PREUVE AU PROCÈS. Les sciences forensiques, qui regroupent toutes les sciences pouvant aider à la manifestation de la vérité au procès, recherchent la fiabilité de leurs résultats et la traçabilité de leurs démonstrations. La transformation d’un résultat scientifique en preuve judiciaire appartient au magistrat dans un cadre procédural défini, souvent propre à chaque pays, tandis que les sciences et les résultats qui en sont issus sont partagées par tous. Je ne m’attar- derai donc pas sur la notion de preuve, sauf pour en souligner quelques aspects juridiques qui éclairent la difficulté pour le droit à s’adapter à l’évolution des techniques scientifiques offerte par notre XXI ème siècle. J’aime à débuter ce sujet portant sur la science et la preuve par la difficulté de la compréhension d’une démonstration scientifique utilisée au procès. Un exemple, très éclairant fut le procès portant sur les risques générés aux habitations voisines, lorsqu’un propriétaire décidait d’installer un paratonnerre sur son habitation 2 . En 1780 cette opposition entre « anciens et modernes » déchaîna une bataille juridique sur la démonstration scientifique du risque encouru par les voisins, de la présence de ce paratonnerre à proximité de chez eux. Des procès et finalement un appel, conduit par un jeune avocat ambitieux, un certain Robespierre, qui gagna le procès en « démontrant » l’absence de risque. L’auteur de l’article résume cette affaire par une question qui se pose encore de nos jours 3 (OGM, Nanotechno- logies, thérapies géniques, principe de précaution, etc..) : « quel risque est-on prêt à prendre pour un progrès ? » La réponse de Robespierre reposait sur la confiance au consensus des savants, et il ne reconnaissait pas cette compétence aux juges, « ignorants en sciences ». Figure 1 : La révélationchimique
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