ALS - Magazine 6 - Septembre 2017
ALS Mag / 7 Au cours des 70 dernières années, le savoir tradi- tionnel, l’empirisme, ont progressivement laissé une place croissante à l’observation quantitative, la rationalisation des relations entre l’état de la matière et ses propriétés. La maturation a été lente, et la science desmatériaux est une discipline relativement jeune, mais c’est une véritable « révolution » qui se poursuit aujourd’hui encore. Les méthodes d’étude des matériaux ont été révolutionnées de fond en comble avec l’avè- nement tout d’abord de la métallurgie physique, puis de la science des matériaux. La dynamique de la discipline s’appuie sur le développement de méthodes expérimentales pour caractériser non seulement les microstructures, mais encore leur comportement « in operando » . Mais elle s’appuie aussi sur la compréhension des relations entre la microstructure et les propriétés. Les concepts développés pour la métallurgie (dislocation, thermodynamique des transformations de phase…) mais aussi ceux de la chimie des solides ou ceux de la physique des solides, ont permis de développer un corpus théorique, et plus récemment un ensemble d’outils numériques qui permettent de modéliser les relations entre procédés, microstructures et propriétés. (Figures 3) Comment ne pas penser à ce que disait Jean Perrin de l’atomisme : « expliquer du visible compliqué par de l’invisible simple » ? Ce n’est que dans les années 1930-1960 qu’on a compris le rôle essentiel des défauts dans les structures ordonnées et des configurations à l’échelle mésoscopique sur les propriétés des matériaux. Cette lente construction de concepts, de méthodes expérimentales, cette exploration méthodique de classes diverses de matériaux, depuis les plus familiers (les aciers, les bétons, les verres…) jusqu’aux plus exotiques (les quasicristaux, les cristaux liquides, les mousses…) ont permis dans un premier temps de donner un fondement aux connaissances empiriques, dans une deuxième étape de fournir des outils de modélisation prédictive, et aujourd’hui de disposer de guides pour explorer les champs inconnus, pour faire des « matériaux sur mesure ». Cet outil s’est avéré d’une importance majeure pour développer de nouveaux alliages (« alloy design »), pour comprendre le comportement des matériaux hété- rogènes (« micromécanique des composites »), pour rationaliser les procédés de consolidation des céramiques. La science des matériaux telle qu’elle apparait aujourd’hui, héritière de la métallurgie physique, fertilisée par l’idée du rôle central des défauts et le passage systématique par la microstructure, occupe une position intermédiaire entre les sciences fondamentales et les sciences appliquées. S’appuyant sur la physique, la chimie et la mécanique, elle n’est réductible à aucune de ces sciences de base. Nourrissant la conception, la mécanique des structures et la science des dispositifs, elle a sa dynamique propre qui ne saurait être réduite ni à ces disciplines mères, ni à ses multiples champs applicatifs. UNE SCIENCE EN PLEIN RENOUVELLEMENT : DE L’EMPIRISME À L’EXPLORATION RAISONNÉE ALS MAG Figures 3 : Concept de dislocation étudié à deux dimensions dans un réseau de bulles de savon (Figures du haut) 3 et schématisé (figure en bas de la colonne). Voir le chapitre qui suit. Figure 4 : Quasicristal Al-Pd-Mn placé sur une pièce de 10 centimes de francs pour donner l’échelle. 4 Quartz - Mont Blanc (Crédit : B. Poty, ALS).
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