ALS - Magazine 6 - Septembre 2017
6 / ALS Mag Yves Bréchet Haut Commissaire à l’Énergie Atomique, CEA, Saclay. Membre senior de l’Institut Universitaire de France et professeur à Grenoble INP (où il enseigne toujours), Y. Bréchet occupe actuellement les fonctions de Haut Commissaire à l’Energie Atomique. Il a auparavant exercé de nombreuses responsabilités de conseil ou d’administrateur dans l’industrie. Il est membre de l’Académie des Sciences de Paris, de l’Academia Europae, de la European Academy of Sciences et membre d’honneur de l’ALS. La science et l’ingénierie des matériaux : de l’histoire à la prospective Les civilisations se sont développées à partir de besoins fondamentaux de l’homme : se nourrir, se protéger, se déplacer. Même si aucune civili- sation n’est réductible à ces aspects matériels, remplir ces besoins élémentaires est nécessaire, ne serait-ce que pour assurer une forme de sécurité et de temps disponible indispensables pour développer d’autres aspects comme l’art ou la spiritualité. Comme la satisfaction de ces besoins implique une interaction avec l’environ- nement, elle suppose une maîtrise de la matière et de l’énergie. Les matériaux sont de la matière remplissant une fonction. Les procédés sont des dispositifs qui utilisent l’énergie soit pour fabriquer des matériaux, soit pour produire du mouvement. La matière existe bien évidemment à l’état naturel (le bois, les pierres, les os, les peaux, certains métaux comme l’or ou le cuivre) (Figure 1) tout comme l’énergie (la force animale, une rivière qui coule, la foudre qui tombe, le vent qui souffle). À l’état naturel, la matière peut devenir « matériau » et remplir une fonction (un os peut servir d’arme), mais il est rare qu’elle puisse remplir cette fonction sous la forme sous laquelle on la trouve : il faut en général lui donner une forme (un silex doit être taillé en arêtes vives pour devenir une pointe de flèche). L’énergie à l’état naturel est rarement utilisable en l’état : il faut des dispositifs pour la transformer en mouvement (un soc et un harnais pour labourer avec un cheval, un moulin pour moudre le blé à l’aide du flot d’une rivière ou du vent). Le développement d’une civilisation matérielle est le processus qui rend progressi- vement l’être humain maître de son environnement, au lieu de le subir. Ce n’est pas par hasard que l’on parle de l’âge de pierre, de l’âge du bronze, de l’âge du fer, que l’on a souvent dit que le XIX ème était l’âge de l’acier, et le XX ème celui des polymères puis du silicium. C’est comme une reconnaissance de l’importance cruciale des matériaux. La science et l’ingénierie des matériaux sont ce qui rend possible cette maitrise de notre environnement, c’est ce subtil mélange d’empirisme et de rationalisation, d’expérience et de découverte, d’expérimentation et de modélisation qui fait à la fois sa richesse, son charme et sa difficulté. Ce magazine l’illustre par la variété des sujets couverts : la science des matériaux irrigue le domaine de l’énergie, de l’information, du bâtiment, du transport, de la santé. Les matériaux rendus accessibles à l’ingénieur couvrent toutes les variantes de la liaison chimique, les métaux, les céramiques, les polymères. Il est de plus en plus difficile de séparer les matériaux des procédés qui permettent de les obtenir, de les mettre en œuvre de telle sorte que la science et l’ingénierie des matériaux doit s’interpréter comme la compré- hension et la maîtrise des matériaux et des procédés. (Figure 2) Figure 1 : Cristaux de cuivre natif, matière minérale qui deviendra un matériau sous forme de tubes pour canalisation d’eau ou de fils électriques. 1 Figure 2 : Vue intérieure d’un réacteur à plasma froid, procédé utilisé pour activer des espèces chimiques qui se déposent en surface des matériaux pour former des films anticorrosion, antireflets, etc. 2
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