ALS - Magazine 6 - Septembre 2017
44 / ALS Mag L’économie et les matériaux Depuis la protohistoire, l’activité de transfor- mation de la matière pour la construction d’objets destinés à de nombreux usages est le signe tangible de la présence de l’homme. Par sa créativité, l’homme a progressivement domestiqué la matière en la faisant matériau. Les historiens ont utilisé cette spécificité pour caractériser les grandes périodes de dévelop- pement de l’humanité : âge de pierre, âge du bronze, âge du fer... Ils ont montré que l’aptitude à utiliser des matériaux par un groupe d’hommes structurait leur développement grâce à leur possibilité de fabriquer des objets influençant fortement les systèmes productifs (armes, outils agraires, ...). Ils ont modifié les modes de vie (sédentarité, spécialisation de métiers) et ont fait évoluer les relations entre groupes humains (développement du commerce sur des longues distances, augmen- tation de la conflictualité pour l’accaparement des gisements de matières premières). L’exercice consistant à qualifier par un nom de matériau les périodes de l’histoire moderne et la période actuelle s’épuise dans des discussions sans fin : plastique, silicium, matière vivante, etc. ? Si la réponse n’a que peu d’importance à nos yeux, ce questionnement montre qu’il y a dans le bon sens collectif la conviction d’une intrication forte entre la maitrise technique et économique des matériaux et le processus de développement social et économique du monde. Dans les objets qui nous entourent dans notre vie quotidienne, le nombre de matériaux assemblés dans chacun d’eux pour obtenir les fonctions désirées va croissant : plus de dix matériaux différents dans une poêle à frire moderne, les objets complexes de l’électronique et de l’automobile en rassemblent plusieurs milliers. L’ingénierie des matériaux toujours en évolution est au cœur de tous nos développements, fussent- ils virtuels. On oublie souvent et trop facilement que l’ensemble de la révolution numérique n’existe que parce que les concepteurs des puces électro- niques continuent à en améliorer les performances de puissance par des assemblages nouveaux de matériaux semi-conducteurs. Jusqu’à un passé récent et depuis le début de la révolution industrielle, les acteurs économiques se sont comportés comme si les ressources de matières premières étaient sans limites. Si parfois la localisation géographique de certaines ressources en contraignait l’obtention, les moyens commerciaux, ou parfois militaires, permettaient tôt ou tard de régler le problème ... Depuis les dernières décennies du XX ème siècle, les consciences ont beaucoup évolué. La croissance démographique, la volonté légitime de l’amélioration du niveau de vie des populations, la mesure des impacts environnementaux et de l’amenuisement de nombreuses ressources non renouvelables ont modifié d’une façon radicale les façons dont doit être pris en compte, dans une économie à repenser, l’usage des ressources naturelles des matériaux. Les méthodes de raisonnement économiques sont remises en cause essentiellement en cherchant à intégrer dans le coût des ressources les externa- lités environnementales et leurs conséquences sociales : elles modifient considérablement l’espace (difficulté de faire la part du local et du global) et l’horizon de temps (voir et prévoir les conséquences à long terme des décisions). Jean-Louis Pierquin Fonds Européens des Matériaux - Metz Il a effectué sa carrière comme cadre dirigeant dans l’industrie à Saint Gobain, Klôckner, et à la direction de l’innovation et de la R&D d’Arcelor. Il a fondé et présidé le Pôle de Compétitivité Materalia, a été à l’initiative de la création de l’IRT M2P et préside aujourd’hui le Comité Consultatif d’Investissement des Fonds Européens des Matériaux.
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