ALS - Magazine 6 - Septembre 2017
42 / ALS Mag Les matériaux pour le vivant sont des matériaux non vivants (métaux et alliages, céramiques, polymères, composites), qui sont ou seront utilisés dans un appareil médical et conçus pour interagir avec des systèmes biologiques. Ces matériaux peuvent participer à la consti- tution d’un dispositif à visée thérapeutique, chirurgicale, diagnostique ou de stockage ou à celle d’un substitut de tissu ou d’organe ou encore à celle d’un dispositif de suppléance (ou d’assistance) fonctionnelle. Cette catégorie de matériaux, que l’on nomme de façon générique « biomatériaux », comprend l’ensemble des matériaux et des substances pharmaco- logiquement inertes d’origine naturelle ou de synthèse, qu’ils soient solubles ou insolubles, dégradables ou non. Ils représentent donc une classe particulière de matériaux utilisés sous contrainte biologique et devant, de ce fait, induire une réponse appropriée de l’hôte dans une application spécifique, c’est-à-dire devant être biocompatibles. L’Homme a depuis longtemps utilisé la nature comme une réserve de matières premières, en particulier pour des applications en santé, d’abord pour se nourrir puis se soigner, et enfin pour remplacer un organe ou une fonction. On retrouve des dispositifs de suppléance ou de remplacement inactifs biologiquement de plus de 4000 ans comme des pieds artificiels en bois ou des implants dentaires en fragments de nacre de l’huître Pinctada Maxima (chez les Mayas). Avec l’évolution des technologies, l’or (en dentis- terie, VIIème siècle avant JC), l’acier (prothèse datant de la seconde guerre punique), puis les polymères (le polyméthyl méthacrylate ou PMMA, seconde guerre mondiale) ont été utilisés en tant que biomatériaux de synthèse. L’évolution actuelle de l’innovation sur les biomatériaux consiste, selon Aberkane, 1 à s’inspirer de la nature en la considérant comme « une biblio- thèque », ouvrant la voie vers l’innovation par le biomimétisme, véritable discipline scientifique et technologique intégrée dans la loi sur la biodi- versité (Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016). De façon générale, avec une compréhension croissante des processus biologiques, le dévelop- pement de nouvelles possibilités en science des matériaux et de nouvelles exigences en médecine, ces biomatériaux (qu’ils soient biomimétiques ou non) sont progressivement passés de bio-inertes (inactifs biologiquement) à bioactifs (biologiquement actifs) puis bio-résorbables (ou biodégradables). Une rupture épistémologique dans l’ingénierie des biomatériaux est intervenue dans les années 1990-2000 lorsque l’idée est venue d’associer ces biomatériaux à des cellules. Ces cellules peuvent provenir de différentes sources (autologues, allogéniques, xénogéniques) et être de différents types (cellules souches, cellules différenciées,…) afin de restaurer et/ou remplacer des tissus ou des organes endommagés par un traumatisme, une maladie ou des anomalies génétiques et pour leur permettre de retrouver leurs activités. Une nouvelle discipline a alors vu le jour : l’ingénierie tissulaire, une composante de la médecine régénérative. Dans ce cas, les biomatériaux utilisés en tant que matrices de support doivent assurer deux fonctions princi- pales : (i) diriger l’organisation, la croissance et la différenciation des cellules, en apportant un support physique et des signaux chimiques ; et/ou (ii)assurer un environnement idéal aux cellules sélectionnées (Figure 4). La régénération de tissu ou d’organe est alors favorisée par l’utilisation de cellules in vitro. Leur prolifération et leur différenciation sont donc nécessairement à étudier et contrôler. De même, la compréhension fine des réponses mécaniques et biologiques des biomatériaux en fonction, d’une part de leurs propriétés physico-chimiques de surface, et d’autre part de leur architecture tridimensionnelle est nécessaire pour la concep- tion de matrices fonctionnelles et innovantes. Les aspects biomécaniques sont aussi importants à prendre en compte tout comme l’étude des propriétés des tissus originaux, l’identification des propriétés minimales requises pour assurer la fonction, la caractérisation des signaux mécaniques régulant les tissus fabriqués, ou l’efficacité et la sécurité des tissus fabriqués. La région Grand Est est l’une des régions de France où ces thématiques sont bien représentées à la fois dans les structures de recherche mais aussi dans des structures de transfert de techno- logie et/ou des PME. Il est important, ici, de souligner que les biomaté- riaux ne sont pas uniquement des matériaux massifs. Ils existent sous différentes formes telles que des revêtements, des gels, des membranes, des capsules, des nanoparticules, des fibres, etc. Pour ne citer qu’un exemple, des nanosystèmes d’administration, de transport et d’adressage des médicaments ont pu être conçus grâce à des recherches menées à l’interface de la physique, de la chimie et de la biologie et ont conduit ces dernières années à des progrès importants concernant : J le développement de nouveaux biomatériaux biocompatibles et fonctionnalisés, J la conception de nouvelles architectures supra- moléculaires organisées, J la maîtrise de certains procédés d’encapsu- lation, J l’identification des cibles biologiques. Aujourd’hui près de 50 000 matériaux (naturels et synthétiques) et 200 procédés de mise en forme sont disponibles. Il apparaît donc possible de proposer de nouvelles pistes pour la conception maîtrisée et sécurisée de biomatériaux plus performants, de morphologie et de structure variées qui pourraient permettre l’émergence de nouvelles technologies et de nouveaux concepts. MATÉRIAUX POUR LE VIVANT Les matériaux et le vivant Figure 4 : Membranes multicouches utilisées comme tissu artificiel régénératif.
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