ALS - Magazine 6 - Septembre 2017
30 / ALS Mag Christophe Rapin (IJL, Nancy) Laurent Tissandier (CRPG, Nancy) Denis Garcia (CERPAV, Vannes le Châtel) Professeur des Universités, Christophe Rapin enseigne la chimie des matériaux à la Faculté des Sciences et Technologies et à la Faculté d’Odontologie de Nancy. Chimiste de formation, ses activités de recherche, au sein de l’Institut Jean Lamour, sont consacrées à la réactivité des solides et notamment aux interactions verre fondu/matériaux. Il est Président du Réseau Verrier Lorrain, Révelor, depuis 2015. Le verre : un matériau vieux comme le monde et domestiqué par l’homme Le verre accompagne depuis longtemps l’histoire humaine. Depuis plus de 100 000 ans, il est utilisé pour fabriquer des armes, des bijoux, des instruments ou encore pour la construction de bâtiments. Ces diverses applications sont possibles grâce aux multiples propriétés du verre, qui prises individuellement peuvent être observées dans d’autres matériaux mais qu’il est le seul à pouvoir associer. La recherche nous montre que nous sommes loin d’avoir exploré toutes les utilisations possibles du verre et que par conséquent, il restera un des matériaux les plus utilisés et les plus prometteurs dans les décennies à venir. Les premiers objets en verre utilisés par l’Homme remontent à environ 100 000 ans et sont constitués d’obsidienne. Ce verre très sombre, d’origine volcanique, était grossièrement taillé pour obtenir des arêtes tranchantes qui permettaient de couper ou de s’en servir comme arme. D’autres verres naturels peuvent être rencontrés et sont toujours le résultat de phénomènes de haute température suivis d’un refroi- dissement rapide (Figure 1). Ainsi les fulgurites, sortes de tube de verre de silice (SiO 2 ) sont-elles dues aux impacts de foudre sur un sol sableux. Les impactites, tectites et autre verre libyque résultent de l’impact d’une météorite sur la Terre, fondant très localement le sol en éjectant une partie à plusieurs centaines, voire milliers de kilomètres. D’autres échantillons vitreux peuvent être produits par les éruptions volca- niques, comme les cheveux de Pélé, longs filaments de verre éjectés lors d’une éruption, ou les pierres ponces, qui avant leur altération, étaient majoritairement vitreuses et résultaient des retombées des débris volcaniques et de leur compaction. Les premiers verres fabriqués par l’Homme datent d’environ 4000 ans av. J.C. (Egypte) ce qui en fait le matériau d’usage synthétique le plus ancien 4 . C’est vraisemblablement fortui- tement que cette matière brillante, plus ou moins translucide, fut découverte en brûlant des végétaux ou en chauffant du natron (carbonate de sodium utilisé pour la conser- vation des momies) sur un sol sableux. Tout d’abord moulé pour en faire des récipients ou des bijoux, le verre fut ensuite soufflé à partir du I er siècle av. J.C. (Moyen-Orient : Phénicie ou Babylone) (Figure 2) ce qui multiplia les réalisations possibles et accéléra le dévelop- pement d’une véritable industrie sur tout le bassin méditerranéen. Au Moyen Age, ce sont surtout les verres colorés qui se multi- plièrent en Europe Occidentale, ainsi que les techniques de fabrication des verres plats, tout ceci pour obtenir les plus beaux vitraux possibles. C’est également à cette époque que les manufactures vénitiennes prirent leur essor et dominèrent la production verrière avec leur Cristallo (verre très pur). Les XVIIe et XVIIIe siècles virent l’apparition de nouveaux verres, par exemple le cristal de Bohème ou le verre au plomb (Angleterre). En France, naît la manufacture de Saint-Gobain voulue par Colbert, pour fournir les glaces du palais de Versailles, et des cristalleries comme celle de Saint-Louis. Par la suite, la révolution indus- trielle a fait évoluer principalement les techniques de production (étirage, fonte en continu, fibrage, etc.) et quelques nouveaux verres ont vu le jour comme le Pyrex (1915). De par la présence des ressources néces- saires (sable, potasse, bois, …) et sa situation sur les routes commerciales entre Europe méditerranéenne et Europe du Nord, l’Est de la France a toujours été et reste encore aujourd’hui, une grande terre de verriers. Figure 1 : Exemples de verres naturels a : fulgurite 1 ; b : tectites australiennes 2 qui doivent leur forme particulière au frottement de l’air lors de leur trajet dans l’atmosphère quand elles sont encore à l’état fondu ; c : cheveux (filaments) et larmes (gouttelettes) de Pélé, Hawaï 3 .
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