ALS - Magazine 6 - Septembre 2017

24 / ALS Mag Dominique Dubaux, Académie Lorraine des Sciences - Nancy Présidente de l’Académie Lorraine des Sciences, elle est agrégée de physique et a enseigné cette discipline durant de longues années. Les LED (acronyme de Light Emitting Diode) sont de plus en plus utilisées comme source de lumière pour l’éclairage domestique, urbain, industriel et dans de nombreuses applications technologiques. Elles consomment peu d’énergie, ont une remarquable longévité, une excellente résistance mécanique, une taille réduite, un allumage pratiquement instantané. Petite histoire des LED Le fonctionnement des LED est fondé sur l’émission de lumière par une association de deux semi-conducteurs - on parle de jonction - lorsque celle-ci est soumise à une tension électrique. Le champ électrique excite les électrons dans le matériau et ces électrons se désexcitent en émettant de la lumière. Le phénomène d’électroluminescence a été observé il y a plus d’un siècle mais ce n’est que dans les années 1960 que l’obtention de matériaux semi-conducteurs de meilleure pureté a permis de fabriquer des diodes émettant dans le rouge avec toutefois un flux lumineux trop faible pour l’éclairage, limitant ainsi les premières applications possibles aux seuls afficheurs lumineux. Des LED bleues à la lumière blanche La couleur de la lumière émise est une propriété intrinsèque du matériau semi-conducteur utilisé puisque le photon émis a une énergie égale à celle de la bande interdite séparant le bas de la bande de conduction (Ec, niveau excité) du haut de la bande de valence (Ev, niveau fondamental) des électrons (Figure 1). Les semi-conducteurs à base de nitrures sont de bons candidats pour la production de lumière bleue mais ils rencontrent des difficultés technologiques majeures liées à la déformation importante de la structure cristalline du matériau. C’est pourquoi la LED bleue est demeurée un défi scientifique et industriel pendant plusieurs décennies. La première LED bleue à base de nitrure de gallium n’a été mise au point qu’en 1972 par des chercheurs de l’Université de Nagoya au Japon. Emettre dans le bleu était indispensable pour produire de la lumière blanche avec des LED, par synthèse additive des couleurs à des fins d’éclairage. Pour cela : J Soit on associe deux LED, l’une émettant dans le bleu et l’autre dans le jaune, J Soit on associe trois LED rouge, verte et bleue, J Soit encore on associe une LED bleue à un lumino- phore bien choisi, qui émet dans un large domaine de fréquences centrées sur le jaune lorsqu’il est excité par la lumière bleue. J Soit enfin on utilise une LED qui émet dans l’ultra- violet et que l’on associe à plusieurs luminophores émettant ensemble sur la totalité du spectre visible. C’est la troisième de ces solutions, associant une LED bleue et un luminophore émettant dans une zone spectrale complémentaire qui est la plus disponible sur le marché (Figure 2). Les premières LED fabriquées sur ce principe à la fin du XX e siècle émettaient un blanc froid (6500K) qui était préjudiciable à la vision car susceptible de produire des lésions des cellules rétiniennes (DMLA) ou du cristallin. Cet éclairage engendrait aussi des troubles du sommeil par ralentissement de la production de mélatonine (hormone du sommeil). Grâce à l’amélioration des luminophores, les LED blanches émettent aujourd’hui un blanc chaud (2700K) rappelant la couleur des lampes à incandescence d’autrefois. Les LED blanches actuelles trouvent leur éclairage optimal instantanément et produisent un flux lumineux moins nocif que celui des lampes fluo-compactes. Leur efficacité lumineuse (rendement de conversion de la puissance électrique en puissance lumineuse et répartition spectrale de l’énergie) est en constante progression de 100 lm.W -1 . Leur durée de vie est en moyenne 50 fois plus longue que celle des lampes à incandescence d’Edison, ce qui permet de baisser considéra- blement la consommation de matériaux néces- saires à leur fabrication. Le prix NOBEL de physique a été attribué conjointement en 2014 à NAKAMURA, AKASAKI et AMANO pour leur mise au point des LED émettrices de lumière bleue, qui ont ouvert la voie à des sources de lumière blanche intenses et économes en énergie. Le comité Nobel a souligné l’impact sociétal induit, lié à l’accès à l’éclairage à moindre coût pour une majeure partie de la planète (l’éclairage seul consomme aujourd’hui 20% de la production mondiale d’électricité). A l’heure actuelle, les LED révolutionnent la luminothérapie, la chirurgie, l’agriculture. Gageons que cette technologie n’a pas fini de révéler ses potentialités et son influence sur nos existences. Figure 1 : L’application d’une tension électrique sur un semi-conducteur permet de faire passer des électrons de sa bande de valence (BV) à sa bande de conduction (BC). On observe donc la configuration suivante : • laBVaperduunélectron.Elleadoncuneplace libre,appelé« trou» (en rouge) • la BC a gagné un électron (en vert) qui peut alors conduire le courant. Cette configuration n’est pas stable : l’électron excité vers la BC « retombe » dans la BV. La recombinaison électron-trou est continue et des électrons montent sans cesse dans la BC tandis que d’autres redescendent dans la BV pour boucher les trous. Dans une LED, cette recombinaison électron-trou produit de la lumière. L’énergie du photon émis est égale à la différence d’énergie entre BC et BV et sa couleur est liée à ce saut énergétique. Figure 2 : A droite : de bas en haut, couches constitutives d’une LED émettant dans le bleu. Un substrat de saphir supporte un empilement d’une couche semi conductrice de nitrure de gallium et d’indium, suivi d’une couche intermédiaire puis d’une autre couche semi-conductrice de nitrure de gallium et d’indium. Si on recouvre ce dispositif d’un luminophore jaune, par synthèse additive la lumière émergente émise par la diode est blanche. A gauche : spectre d’émission de cette LED blanche. Les diodes électroluminescentes DOMINIQUE DUBAUX

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