ALS - Magazine 6 - Septembre 2017

PERSPECTIVES Le développement de nouveaux matériaux à même de répondre aux défis liés à l’énergie n’en est encore qu’à ses prémices. Les outils de base pour l’analyse expérimentale et pour la simulation numérique commencent à se mettre en place mais l’essentiel du travail reste à accomplir pour faire dialoguer de façon efficace ces différents outils aux différentes échelles caractéristiques. Cette tendance va sans doute profondément modifier la science des matériaux en conduisant à la mise en place de machines d’essais virtuelles qui seront une aide puissante pour le développement des matériaux du futur. Cependant, la question des matériaux ne peut se limiter à la compréhension de l’influence de la microstructure, des interfaces et des défauts sur les propriétés, ni même de leur maitrise. Plusieurs aspects non abordés dans cet article vont inévitablement prendre une place croissante. Les matériaux jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de notre société et jamais la production de matériaux n’a été aussi importante. La disponibilité des ressources en matières premières et en énergie nécessaires pour produire les matériaux et les produits dont nous avons besoin constitue une question de plus en plus pressante. La prise en compte de l’ensemble du cycle de vie des matériaux depuis l’énergie et les matières premières utilisées dans élaboration jusqu’à la fin de vie du produit et son recyclage est incontournable. Les différents exemples abordés dans cet article mettent l’accent sur l’importance d’adopter une approche intégrée procédés-microstructure- propriétés dans la définition des matériaux à hautes performances, qu’il s’agisse de réaliser une diode électroluminescente à haute efficacité énergétique ou un matériau composite fiable pour un élément de structure. L’analyse microstruc- turale et la simulation numérique constituent des éléments essentiels de cette approche. Optimiser la chaine procédés-microstructure-propriétés pour une application donnée nécessite une compréhension fine des évolutions microstructu- rales à l’œuvre dans le matériau et impose de recourir à des modélisations aux échelles perti- nentes de la microstructure et cela dans le cadre d’un dialogue permanent analyse expérimentale- simulation. L’émergence des techniques d’analyse de données massives modifie en profondeur la façon d’appréhender cette problématique. Les matériaux modernes sont généralement carac- térisés par une microstructure hiérarchique complexe s’étendant sur plusieurs échelles de taille. Ce type de microstructure impose de faire appel à des outils de modélisation eux-aussi organisés de façon hiérarchique afin de pouvoir capter avec suffisamment de précision les phénomènes pertinents aux différentes échelles. L’efficacité des modèles en termes de calcul devient dès lors une question cruciale pour pouvoir traiter des applications liées à la mise en forme ou à la tenue en service. Les approches microméca- niques classiques limitent leur description de la microstructure au premier ordre (par exemple, en utilisant comme paramètre les fractions volumiques) et de ne conviennent que pour des faibles contrastes de propriétés interphase. A l’inverse les approches numériques en champ complet (par exemple, les méthodes d’éléments finis) sont capables de rendre compte de micros- tructures complexes et peuvent être utilisées pour de forts contrastes de propriétés mais au prix d’un coût de calcul prohibitif ne permettant pas d’envisager leur incorporation dans des outils de simulation de produits ou de procédés. Pour surmonter ces limites, une nouvelle classe de modèles axés sur l’exploitation massive de données commence à se développer. Ces outils combinent l’utilisation des statistiques d’ordre supérieur pour représenter la microstructure et la calibration des modèles micromécaniques sur de grandes bases de données numériques ou expérimentales représentatives de la variabilité de lamicrostructure pour prédire la réponsemécanique de matériaux à microstructure complexe en combinant précision et faible coût de calcul . RELATIONS PROCÉDÉS-MICROSTRUCTURE-PROPRIÉTÉS Morphing La conception de profils d’aile pouvant se reconfi- gurer en fonction des conditions de vol (morphing) remonte aux origines de l’aviation. Cependant, le bilan global de ces systèmes s’est toujours trouvé pénalisé en termes de coût, de complexité et de poids. Les possibilités ouvertes par l’emploi des matériaux adaptatifs ont conduit à un regain d’intérêt pour ce domaine en autorisant la conception de systèmes plus simples et plus légers. Les avantages apportés par le morphing concernent l’amélioration des performances en vol, la réduction de la consommation de carburant et des émissions de CO 2 grâce à la réduction de la trainée aérodynamique et la réduction des niveaux sonores (chevrons développés par Boeing par exemple) lors des phases de décollage ou d’atterrissage. Moisson d’énergie Le développement des matériaux adaptatifs (alliages à mémoire de forme, céramiques et polymères piézoélectriques, matériaux magnétos- trictifs, …) permet la réalisation d’avancées signi- ficatives dans le domaine de la moisson d’énergie. Capter les sources d’énergie diffuses présentes dans l’environnement pour permettre le fonction- nement autonome d’un système constitue en effet une solution attrayante. Dans les matériaux multi- fonctionnels, l’existence de couplages forts entre champs mécanique, thermique, électrique ou magnétique permet d’effectuer une telle conversion d’énergie. Ainsi les alliages à mémoire de forme utilisent la transformation martensitique pour transformer une quantité de chaleur en énergie mécanique. Dans les alliages à mémoire de forme ferromagnétiques, c’est le couplage déformation-champ magnétique qui produit le travail mécanique. Ces couplages peuvent aussi être exploités pour produire un refroidissement adiabatique sous l’action d’une contrainte mécanique ou d’un champ magnétique, réalisant ainsi un système frigorifique à l’état solide. L’industrie automobile porte une attention croissante aux applications de la moisson d’énergie pour les véhicules hybrides et électriques. Dans ce cas, il s’agit principalement de convertir en électricité l’énergie cinétique présente dans les vibrations d’un véhicule en mouvement. La puissance ainsi récupérée est bien sûr très faible, mais suffisante pour alimenter des capteurs ou des systèmes de communication. Un laboratoire International Associé (LIA) a été créé par le CNRS en 2016 entre l’UMI GT-CNRS et des Universités Marocaines pour travailler dans ce domaine. Cette opération bénéficie du soutien du constructeur automobile PSA. ALS Mag / 23 1/ N. Despringre, Y. Chemisky, K. Bonnay, F. Meraghni, Micromechanical modeling of damage and load transfer in particulate composites with partially debonded interface, Composite Structures 155 (2016) 77-88. 2/ EBSD : Electron backscatter diffraction, ou en français, diffraction d’électrons retrodiffusés. Cette technique fourni une cartographie de la composition chimique à proximité de la surface d’un échantillon. 3/ Z.Z. Shi, Y. Zhang, F. Wagner, T. Richeton, P.A. Juan, J.S. Lecomte, L. Capolungo, S. Berbenni, Acta Materalia 96 (2015) 333-343. 4/ K. Kpogan, H. Zahrouni, M. Potier-Ferry, H. Ben Dhia, Buckling of rolled thin sheets under residual stresses by AMN and Arlequin method, International Journal of Material Forming 10 (2017) 389-404. 5/ UMI : Unité mixte Internationale. Il s’agit ici d’un laboratoire conjoint piloté par l’Université Georgia Tech aux USA et le CRS en France. 6/ A. Dunn, L. Capolungo, E. Martinez, M. Cherkaoui, Spacially resolved stochastic cluster dynamics for radiation damage evolution in nanostructured metals, Journal of Nuclar Materials 443 (2013) 128-139. 7/ L. Ropars, M. Dehmas, S. Gourdet, J. Delfosse, D. Tricker, E. Aeby-Gautier, Structure evolutions in a Ti-6Al-4V matrix composite reinforced with TiB, characterized using high energy X-ray diffraction, Journal of Alloys and Compounds 624 (2015) 179-188. 8/ Labex DAMAS : Laboratoire d’excellence fondé à l’occasion des Investissements d’Avenir pour étudier et développer des structures allégées de matériaux métalliques. Ce Labex allie et soutient les travaux des chercheurs messins et nancéiens sur le sujet. 9/ T. Grosdidier, J.J. Fundenberger, J.X. Zou, Y.C. Pan, X.Q. Zeng, Nanostructured Mg based hydrogen storage bulk materials prepared by high pressure torsion consolidation of arc plasma evaporated ultrafine powders, International Journal of Hydrogen Energy 40 (2015) 16985-16991. 10/ W. El-Huni, A. Migan, Z. Djebbour, J.P. Salvestrini, A. Ougazzaden, High-efficiency indium gallium nitride/Si tandem photovoltaic solar cells modeling using indium gallium nitride semibulk material: monolithic integration versus 4-terminal tandem cells, Progress in Photovoltaics 24 (2016) 1436-1447. 11/ Y. El Gmili, P.L. Bonanno, S. Sundaram, X. Li, R. Puybaret, G. Patriarche, C. Pradalier, L. Decobert, P.L. Voos, J.P. Salvestrini, A. Ougazzaden, Mask effect in nano-selective-area-growth by MOCVD on thickness enhancement, indium incorporation, and emission of InGaN nanostructures on AlN-buffered Si(111) substrates, Optical Materials Express 7 (2017) 376-385. 12/ S.R. Kalidindi, A.J. Medford, D.L. McDowell, Vision for Data and Informatics in the Future materials Innovation Ecosy

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