ALS - Magazine 6 - Septembre 2017

ALS Mag / 21 ALS MAG MATÉRIAUX POUR L’ÉNERGIE Les avancées dans le domaine de la production d’énergie reposent également largement sur le développement de matériaux à hautes perfor- mances. Qu’il s’agisse de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires ou d’accroitre le rendement énergétique des centrales électriques classiques, à chaque fois la problématique matériau se retrouve au cœur de l’équation à résoudre. Il en est de même pour la filière hydrogène où il est impératif de tenir compte des phénomènes de fragilisation et des défis posés en termes de stockage. Matériaux pour le nucléaire Dans le cadre de sa politique énergétique, Electricité De France (EDF) envisage un prolon- gement de la durée de vie des Réacteurs à Eau Pressurisée (REP). Etre en capacité d’affirmer que les conditions de sécurité de fonctionnement restent assurées constitue la condition sine qua non pour une telle prolongation. Dans cet objectif, de nombreuses études ont été lancées au niveau européen pour prendre en compte l’effet de l’irra- diation (intensité du flux et dose cumulée) sur les composants critiques des réacteurs. L’optimi- sation de la durée de vie ne peut se faire sans une bonne compréhension des mécanismes physiques qui se produisent dans un matériau sous irradiation, ni sans une modélisation fine de ceux-ci. Plusieurs projets européens, auxquels contribue le LEM3, permettent de mieux comprendre l’influence de l’irradiation sur les évolutions de microstructure dans les aciers utilisés dans les composants des centrales et les conséquences de ces évolutions sur leur résistance à la fissuration. Ces projets combinent le développement de modèles de simulation numérique multiéchelle avec des analyses expéri- mentales afin de parvenir à estimer la durée de vie résiduelle d’un composant en fonction de son état métallurgique. D’autres projets explorent des voies radicalement nouvelles en visant la conception de matériaux aptes à supporter sans dommage les conditions extrêmes régnant dans une centrale nucléaire. Les défauts ponctuels induits par les rayonne- ments ionisants altèrent profondément le compor- tement des matériaux et leur effet cumulé présente une importance cruciale pour la sécurité des réacteurs nucléaires. L’accumulation de ces défauts s’effectue sur des sites préférentiels, elle se traduit par des phénomènes de fluage et conduit à l’affaiblissement de la résistance à la fissuration. Les interfaces, interphases et les joints de grains constituent une large part de ces sites préférentiels. Une telle affinité a été mise à profit dans le projet européen RadInterfaces coordonné par l’UMI Georgia-Tech CNRS pour concevoir un matériau auto-cicatrisant pour l’industrie nucléaire. L’approche utilisée couple des approches de modélisation ab-initio pour déterminer la cinétique de formations des défauts en fonction de la nature des interfaces avec des modélisations micromécaniques et des simulations macroscopiques par éléments finis pour investiguer les propriétés mécaniques de matériaux cristallins nanostructurés présentant de très grandes surfaces interfaciales (Figure 5). Hautes températures Augmenter la température de fonctionnement d’une turbine reste le meilleur moyen d’améliorer son efficacité énergétique, que cela concerne un moteur d’avion ou une centrale électrique thermique au gaz. Mais cette solution nécessite de disposer de matériaux adéquats présentant à la fois une bonne stabilité thermochimique et de bonnes propriétés mécaniques, le tout pour un coût raisonnable au regard du domaine d’appli- cation visé. Grace à ses bonnes performances mécaniques, sa faible densité et une remarquable résistance à la corrosion, le titane et ses alliages occupent une place croissante dans ce type d’application. L’utilisation de composites à matrice métallique constitués par une matrice en alliage de titane renforcée par des particules de céramique permet d’étendre leur utilisation à des zones plus sollicitées. L’obtention d’un compromis entre amélioration des propriétés d’une part et réduction de la ductilité d’autre part, liées à l’augmentation de la fraction volumique des particules de renfort, impose d’optimiser la microstructure. Ceci nécessite de connaitre les mécanismes de changements de phase se produisant au cours des différentes étapes d’élaboration du composite. Les études menées à l’Institut Jean Lamour montrent que l’identifi- cation de ces mécanismes nécessite la réalisation d’essais in situ sous rayonnement synchrotron . Stockage de l’hydrogène L’utilisation de l’hydrogène comme vecteur énergétique pour les véhicules automobiles pose de nombreux problèmes de sécurité. Son stockage sous forme d’hydrure dans un matériau solide constitue une solution qui combine sécurité et encombrement réduit. La densité volumique de stockage de l’hydrogène dans le magnésium dépasse celle de l’hydrogène liquide (106 kg H 2 /m 3 contre 62 kg H 2 /m 3 à 700 bars). Le poids du métal pénalisant la capacité massique de stockage, seuls les alliages légers sont envisageables. L’hydrure de magnésium MgH 2 figure parmi les hydrures réversibles les plus légers, avec une densité énergétique de 2,4 kWh/kg. Le magnésium est par ailleurs un élément abondant, bon marché, recyclable et non polluant. Cependant, les cinétiques d’absorption et de désorption de l’hydrogène sont lentes et la thermodynamique impose d’opérer au-dessus de 300°C. Cette cinétique est une propriété extrinsèque, très fortement dépendante de la microstructure du matériau et l’utilisation de particules nanomé- triques favorise la diffusion rapide de l’hydrogène. La réalisation d’un composite nanostructuré par frittage de nanopoudres consolidées par déformation plastique sévère a été mise au point par le Labex DAMAS. Figure 5 : Conception par approche multiéchelle d’un matériau auto-cicatrisant pour l’industrie nucléaire (source UMI GT-CNRS) Turbine

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