ALS - Magazine 6 - Septembre 2017

16 / ALS Mag Science des matériaux Numérique Bernard Dussoubs, Institut Jean Lamour - Nancy Ingénieur de l’Université de Lorraine, il est un spécialiste de la simulation numérique des matériaux et procédés. Il a en charge la grosse plateforme de calcul de l’Institut Jean Lamour. Figure 1 : Calcul par une méthode « ab initio » de la modification de la densité dechargesdueà l’adsorptiond’unatomed’oxygèneà lasurfaced’uncomposéAl 9 Co 2 . La partie haute de la figure montre la densité de charges avant adsorption et celle du bas après adsorption. Ce type de calcul permet de mieux comprendre les propriétés catalytiques du composé. Crédit : S. Alarcòn-Villasseca, IJL, Nancy. Figure 2 : Fraction molaire d’aluminium dans une matrice de titane carrée de 20 µm de côté (à gauche). La concentration est codée par un jeu de couleurs allant du noir (concentration en aluminium maximale) à l’orange (concentration en aluminium minimale). Le profil de concentration en aluminium le long de la ligne blanche est représenté à droite. On peut ainsi définir dans ce volume une concentration moyenne en aluminium, qui sert de référence dans un calcul à l’échelle supérieure. Crédit : B. Appolaire, IJL, Nancy. Figure 3 : Représentation du champ magnétique (codé en couleurs) et des vecteurs de densité de courant (petites flèches) dans un lingot d’alliage de titane raffiné sous laitier de 30 cm de rayon. En fonction de la résistance électrique de la zone en proche paroi (r > 0,27), qui est constituée de laitier solidifié, on peut caractériser le passage du courant électrique dans la paroi de la lingotière (en rouge, r > 0,28) qui entoure le lingot. Jusqu’alors, les modèles considéraient qu’il y avait isolation parfaite et qu’aucun courant ne passait, ce que réfutait l’expérience. Ce nouveau modèle confirme ce passage de courant. Crédit : M. Hugo, IJL, Nancy. 1/ M. Defranceschi, Modélisation et simulation numériques en chimie du solide : principes et applications, Techniques de l’ingénieur, AF 6 040, pp 1-20. 2/ I.N. Levine, Quantum Chemistry, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1991, 4e éd., 3/ http://www.physics.mcgill.ca/~provatas/papers/Phase_Field_Methods_text.pdf 4/ S.V. Patankar, Numerical Heat Transfer and Fluid Flow, CRC Press, 1980. 5/ http://www-hpc.cea.fr/fr/complexe/tgcc-curie.htm BERNARD DUSSOUBS On met en œuvre sur ordinateur des modèles qui tentent de représenter la réalité physique. Cela permet de remplacer les expériences qui ne peuvent pas être menées car elles sont dangereuses (accidents), trop longues (clima- tologie) ou inaccessibles (astrophysique). La simulation évite aussi les cycles d’essai-erreur, pour mettre au point un nouveau matériau ou une nouvelle filière d’élaboration. Chaque essai se révélant coûteux, un modèle prédictif permettant de déterminer les voies les plus prometteuses est financièrement intéressant. Dans le domaine des matériaux, on regroupe en 3 gammes l’échelle d’élaboration d’un produit, qui va de quelques atomes jusqu’à la tonne (lingots d’alliages par exemple) 2 : J Echelle nanoscopique, jusqu’à quelques milliers d’atomes. Les modèles sont basés sur la mécanique quantique (résolution de l’équation de Schrödinger) : modèles ab initio (figure 1), théorie de la fonctionnelle de densité, dynamique moléculaire, méthode Monte-Carlo par exemple . J Echelle mésoscopique : c’est l’échelle centrale. On ne considère plus les atomes individuellement, mais on ne peut pas encore utiliser les équations de la mécanique classique. Si plusieurs phases cohabitent dans un volume, il est pratique d’utiliser un champ de phase 3 (figure 2), qui décrit l’évolution d’un paramètre à travers une interphase diffuse. J Echelle macroscopique : c’est l’échelle du produit. On applique les équations de la mécanique classique (conservation de la masse, de l’énergie, ...). Les méthodes numériques associées sont souvent basées sur un maillage. Dans chaque maille ces équations sont résolues pour donner une valeur de température, vitesse, compo- sition, etc. 4 (figure 3). Sur un ordinateur classique, le temps de calcul peut être rédhibitoire (plusieurs semaines ou mois). Une solution pour pallier cette difficulté consiste à réaliser le calcul en parallèle, c’est-à-dire diviser l’ensemble du calcul en plusieurs centaines ou milliers de tâches séparées, effectuées sur un processeur différent, sur des machines pouvant contenir plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’unités de calcul. Par exemple, le supercal- culateur Curie du CEA de Bruyère-le-Châtel est équipé de plus de 80 000 cœurs de calcul 5 . En recherche sur les matériaux, la simulation numérique est une démarche essentielle, à côté de la théorie et de l’expérimentation, pour produire de nouvelles connaissances 1 . Dans l’industrie, le recours au calcul est une nécessité pour développer des produits innovants.

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