ALS - Magazine 6 - Septembre 2017
ALS MAG ALS Mag / 11 L’art du métallurgiste sera de jouer sur la compo- sition chimique de l’alliage, le chemin thermique et les déformations qu’il subit pour aboutir aux phases dans la forme et la proportion voulues afin d’atteindre les propriétés souhaitées. Le paysage se complique encore car il peut apparaître, au cours de toutes les étapes de traitement d’un métal, des phases hors d’équilibre qui n’existent pas si on laisse le système évoluer spontanément. Ces phases hors d’équilibre sont, le plus souvent, favorisées par l’existence de contraintes à l’échelle microscopique ou même nanométrique qui tendent à rapprocher les atomes ou, au contraire, à les éloigner. Un exemple typique de cette situation est le cas de la martensite 7 , une phase fréquente dans les aciers à température ambiante. Elle résulte du refroidissement rapide d’un mélange de fer avec un peu de carbone. La phase d’équilibre à la température ambiante de ce mélange serait la coexistence de fer alpha, cubique centré presque sans aucun carbone, et de cémentite, un carbure de fer Fe 3 C. Le fait que le refroidissement soit rapide coince pour ainsi dire le carbone dans la maille élémentaire du fer : il ne peut plus se déplacer pour former des carbures. Sous la contrainte des atomes de carbone qui ne lui laissent pas suffisamment de place, la maille élémentaire du fer se déforme, ce qui donne naissance à une nouvelle phase : la martensite. Dans les alliages modernes, il y a énormément de phases distinctes de tailles et de formes variées. Certaines sont voulues, d’autres subies. On parle généralement d’inclusions pour celles qui sont plutôt grosses et subies et de précipités pour celles qui sont petites et recherchées. On appelle microstructure la description de l’ensemble des différentes phases, inclusions et précipités, leur taille et leur forme. Les propriétés finales dépendent énormément de la microstructure qu’on cherche donc à maitriser. LEURS PROPRIÉTÉS Les métaux ont des propriétés intrinsèques intéressantes. Les électrons de la bande de conduction 8 les rendent bons conducteurs de la chaleur et de l’électricité et leur confèrent un aspect brillant apprécié. En particulier, le cuivre et l’aluminium sont utilisés pour transporter le courant électrique. Pour cette application, il faut éviter au maximum tout atome étranger ou tout défaut à l’échelle atomique qui perturberait l’écou- lement des électrons. On recherchera donc la pureté. Beaucoup de métaux de transition (notamment : Fe, Co, Ni mais aussi des terres rares comme Néodyme, Samarium, etc..) ont, en outre, des propriétés magnétiques qui sont associées à la structure électronique de leur atome 9 . Des phases intermétalliques comme le célèbre FeNdB ont connu un important développement pour leur très fort magnétisme à des coûts acceptables. La même famille a des propriétés intéressantes en matière de dilatation. En particulier le fameux Invar (Ni 36%, Fe 64%) 10 dont le coefficient de dilatation est quasi nul. Les métaux sont surtout connus pour leurs propriétés mécaniques alliant une grande dureté à une bonne malléabilité. Intrinsèquement, un métal est dur, élastique et cassant. A l’échelle atomique, les atomes sont liés de façon forte : les éloigner ou les rapprocher demande des efforts considé- rables. On appelle contrainte l’effort (en N) par unité de surface (en m²) qui s’exprime en Pascals (Pa). La contrainte théorique de rupture serait de l’ordre d’une fraction du module d’Young 11 (paramètre reliant l’allongement élastique et réversible d’un matériau sous un effort faible donné) : c’est énorme, 3 à 4 x 10 9 Pa pour un acier. Les aciers les plus résistants arrivent difficilement à la moitié. Le fer pur se déforme et rompt pour des contraintes 50 à 100 fois plus faibles. Ceci provient de la présence de défauts à l’échelle microsco- pique dans l’alignement des atomes. En particulier, des défauts linéaires appelés dislocations 12 jouent un rôle majeur. Imaginons un empilement régulier d’atomes aux coins d’un cube (voir figure 1). Introduisons par le haut un plan d’atomes non complet à l’intérieur de ce bel empilement. Dans le plan introduit, les atomes sont régulièrement répartis en carrés jusqu’à ce qu’on arrive à la limite du plan incomplet. Cette limite est matérialisée par une ligne, pas forcément droite. Les atomes de chaque côté de ce plan vont devoir s’écarter de part et d’autre de ce plan. Les atomes du plan vont alors se positionner en face des atomes de l’empilement initial car c’est énergétiquement favorable de reconstituer un empilement localement régulier. On sent bien qu’au voisinage de la limite, le bel empilement sera perturbé : au-dessus en tassant les atomes et en-dessous, en les écartant. La limite d’un tel plan est appelée ligne de dislo- cation 13 . Elle a la propriété de se déplacer. En effet, imprimons un effort de cisaillement perpendicu- laire au plan supplémentaire, vers sa droite en haut et vers sa gauche en bas. Un mouvement favorable des atomes consiste à déplacer légèrement vers la gauche les atomes en dessous de la dislocation et vers la droite au-dessus. Cela revient à reconstituer complétement le plan incomplet en le déplaçant vers la droite d’une distance interatomique. En renouvelant l’opé- ration, la ligne de dislocation glisse de proche en proche, jusqu’à atteindre les limites du cristal. C’est ainsi qu’un métal peut être déformé pour des contraintes bien plus faibles que celle indiquée plus haut. Cette déformation se fait surtout par cisaillement, à des contraintes faibles dépendant très fortement de la température. Au total, un métal se déforme de façon irréversible grâce au déplacement de ces dislocations et finit par rompre sous une contrainte modérée après un allongement important. Figure 1 : Schéma d’une dislocation. Le demi-plan jaune est en plus. La ligne rouge (par forcément droite) qui le limite est appelée ligne de dislocation. Le saut de un atome marqué par la flèche b est appelé vecteur de Bürger (d’après la Ref. 12).
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