ALS - Magazine 5 - Octobre 2015

ALS Mag / 33 Le défi de l’évolution cognitive Comme l’avait pressenti il y a longtemps Teilhard de Chardin, non seulement les machines automa- tisent les ex-taches physiques de l’humain et en réalisent de nouvelles, mais elles vont aussi progressivement être dotées de capacités d’intel- ligence, puis de cognition. Les humains eux-mêmes ont entamé une métamor- phose cognitive sous l’effet de l’intensification des fonctions d’information et de communication, et des capacités nouvelles d’accès aux contenus et connaissances. Cette avalanche informationnelle, le rôle croissant de l’image non symbolique, amènent à une évolution cognitive profonde, au travers de la création de nouveaux langages de structuration et de traitement des informations et connaissances. Par ailleurs la quantité d’infor- mation à traiter et gérer et la création de la cybers- phère constituée de l’internet et de ses objets informationnels amènent à de nouveaux équilibres entre mémoire, raisonnement et communication interne au cerveau et externe. De plus comme sus-noté, les notions de réalité physique et virtuelle se chevauchent et peuvent se substituer dans l’expérience sensorielle et perceptuelle. Et en sus le corps humain peut s’enrichir intérieurement et extérieurement de prothèses et orthèses, contribuant à une nouvelle historicité des informations, elle aussi destructurante. Plus généralement les frontière entre le soi et le monde, structurées en différentes couches sont entrain elles aussi de se métamorphoser, d’une topologie centrée vers une topologie multiple. Tout ceci va initier une forme de métamorphose cognitive profonde, source de rupture dans les modes d’apprentissage, de ressentis, d’analyse et de décision ; et probablement amener au dévelop- pement de pathologie de désadaptations légères ou lourdes. Le défi de la co-évolution Ce monde des trois sphères constitue un excellent terreau pour le développement de l’intelligence artificielle. Les robots et les drones autonomes, les agents intelligents, vont eux aussi continuer de transformer l’industrie, les services, mais aussi la médecine, l’école, l’exercice du pouvoir et de la démocratie. Ils apporteront la capacité à exécuter de façon intelligente, autonomes, flexible nombre de tâches de l’humain. Leur développement qui sera moins rapide que les enthousiastes ne le disent mais plus rapide que ne le pensent les sceptiques, va constituer dans quelques dizaines d’année le substrat de la troisième étape de la métamorphose numérique celle de la diffusion massive de l’intelligence artefactuelle. Seront alors construites les bases de la prochaine métamorphose spirituelle de la société humaines. Les enjeux se joueront alors entre les tenants d’une vision de déclin de la race humaine, vécu comme un marchepied pour une nouvelle civili- sation artificielle, entre les tenants de ceux qui s’accrochent à la vieille aspiration de l’éternité physique, deux courants du transhumanisme, ou ceux qui pensent qu’une co-évolution entre l’humain et l’artefactuel peut constituer une étape nouvelle du projet humain. Comme en matière d’évolution rien n’est assuré, il faut aussi prendre en compte le défi posé par le développement : l’amélioration de la santé et de l’alimentation, la croissance démographique, l’allongement de la durée de vie, une consom- mation qui épuise les ressources naturelles. Le défi est bien alors du comment vivre à 10 Milliards d’êtres humains sur terre avec le minimum de pauvreté et de conflit et un niveau de bien-être physique et mental. La co-évolution homme-machine et environ- nement est donc un enjeu clef. On ne peut à ce point faire l’impasse sur le phénomène des GAFA, un acronyme pour Google, Apple, Facebook et Amazone. Ces compagnies et quelques autres correspondent à des grandes compagnies mondiales du numérique qui ont conquis pour des raisons diverses des positions dominantes au niveau mondial.