ALS - Magazine 5 - Octobre 2015

26 / ALS Mag Article > David Gégonne Economie numérique L’économie numérique se singularise par un triple paradoxe : J Un paradoxe géographique : elle est à la fois marquée par l’hyper-localité (forte concentration de talents sur un même lieu géographique) et par l’ubiquité (Internet permet de développer et de vendre quelle que soit la localisation des équipes) J Un paradoxe temporel : elle est à la fois une économie « du temps réel » (cycles d’innovation plus rapides que l’assimilation de la société) et du long terme (les cycles de développement des écosystèmes reposent sur des temps longs : 15 à 20 ans), mais qui diminuent. J Un paradoxe darwinien : elle est marquée par des innovations disruptives (les innovations émergent là où on ne les attend pas) et par une nécessaire sélectivité. Faire émerger des champions suppose des investissements sélectifs et massifs et les « paris » sont parfois très risqués. La fertilisation croisée : l’impact du patrimoine culturel et historique, des actifs immatériels et des politiques publiques d’innovation sur l’attractivité des territoires. Dans ce contexte paradoxal, les actifs immatériels sont de puissants facteurs de compétitivité et de croissance. Il faut entendre par « nouveaux actifs immatériels » (plus difficiles à quantifier que les brevets) la qualité des réseaux et leur animation, la confiance entre partenaires récurrents ou occasionnels et l’image de marque d’un territoire. Ces actifs produits entre acteurs publics et privés sont d’un genre nouveau et nécessitent d’être pris en compte par la gouvernance des différentes structures et l’évaluation des politiques publiques. Mis à disposition de tiers, ils renforcent l’attrac- tivité des territoires par un phénomène de fertili- sation croisée d’un type nouveau et nécessitent donc une gouvernance adéquate, réactive et souple. C’est sans aucun doute un atout majeur pour faire face à une concurrence mondialisée. Les citoyens, entreprises, chercheurs et l’ensemble des actifs immatériels peuvent aussi stimuler la création de valeur socio-économique à l’échelle d’un territoire en entrant en interaction. Ce changement de paradigme interroge les politiques publiques de développement économique, au regard notamment des nouveaux modes de production de l’économie de la connais- sance s’appuyant sur des réseaux, ou des alliances donnant lieu à des formes intermé- diaires de communautés et de création de valeur. Ces nouveaux modes d’organisation et de partage massif des ressources (tiers lieux, open data) aboutissent à leur tour à la création d’actifs immatériels d’un type nouveau, produits conjoin- tement, qui renforcent l’attractivité des territoires. Il convient de stimuler ce cercle vertueux pour en retirer tout le potentiel au profit de la création d’emplois. Développement économique et ancrage territorial Du fait de l’émergence d’une économie ubiquitaire de la connaissance numérisée qui fluidifie les échanges, le partage des savoirs, la circulation des informations, on pourrait s’attendre à la dispa- rition de la notion de territoires au profit d’un espace virtuel. En réalité, il n’en est rien, bien au contraire. L’ADUAN observe, sur les 3 technopoles de l’agglomération nancéienne (Brabois, Renais- sance et Manufacture), une hyperpolarisation qui s’explique par les succès de la formule de la « double densité » : densité spatiale et densité thématique, au service d’un besoin croissant d’interaction entre les différents acteurs qui nécessite une proximité physique pour faciliter les échanges 4 . Elle s’explique aussi par l’évolution des synergies et des modes de production s’appuyant sur les réseaux et sur une visibilité externe, c’est- à-dire une marque, pour affirmer un niveau d’expertise et des spécialités. Ce qui est de nature à favoriser l’augmentation du capital immatériel. On assiste également au développement de technopôles dédiés. C’est le cas dans le Grand Nancy avec la montée en puissance du Technopôle Renaissance, sur les rives de Meurthe, avec notamment, dans le voisinage direct de l’ADUAN, l’installation du Lorraine Fab Living Lab 5 , du Médiaparc, et de l’accélérateur de start’up 6 de la démarche LORnTECH déclinée à Nancy. Pour exploiter pleinement le potentiel de ces actifs territoriaux, il faut inventer de nouvelles formes de gouvernance de ce patrimoine. Or, la question de la complémentarité et de la fertilisation croisée entre actifs immatériels publics et privés n’a été jusqu’à aujourd’hui que peu explorée en tant que telle. C’est pourquoi, à l’initiative du pôle métropo- litain du sillon lorrain, l’ADUAN et Metz Métropole Développement 7 vont mettre en place, dès octobre 2015, un observatoire dynamique de l’économie numérique. Pour le Pôle métropolitain européen du Sillon Lorrain 8 et l’ensemble de ses acteurs, l’obtention en juin 2015 du label « FRENCHTECH » 9 ) est dans ce contexte une véritable reconnaissance et une affirmation du dynamisme numérique de la Lorraine à l’échelle nationale et internationale. Il s’agit désormais, forts de cette reconnaissance, de développer une « image de marque », véhicule des atouts matériels et immatériels déjà capitalisés 10 . 4 Une étude de l’université de l’Indiana a calculé les distances géographiques entre les localisations des cosignataires d’articles scientifiques. Il apparaît, de façon paradoxale, qu’à l’ère du numérique, ces distances tendent à diminuer. 5 http://www.lf2l.fr/ 6 Animé par « Pôle Capital » en lien avec « La Papinière » : www.lapapiniere.com 7 www.metzmetropoledeveloppement.fr 8 http://www.sillonlorrain.org/fr/ 9 www.lorntech.eu Né d’une ambition collective, LORnTECH est le révélateur d’un écosystème numérique particulièrement dense et porteur qui compte près de 2000 entreprises, parmi lesquelles de véritables « Tech Champions » et plus de 10 000 emplois. 10 http://www.mde-nancy.org

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