ALS - Magazine 4 - Janvier 2013

18 / ALS Mag Le modèle utilisé pour dessiner la scène virtuelle est celui de la perspective conique. Ce modèle a été proposé à la Renaissance afin de représenter le monde conformément à notre propre perception visuelle. Il repose sur l’hypothèse que la lumière se propage en ligne droite, rebondissant éventuel- lement sur des objets avant d’atteindre notre rétine. La couleur des objets correspond ainsi à notre perception subjective des fréquences d’ondes non absorbées par les objets rencontrés. Une gravure d’Albrecht Dürer (figure 3) montre comment dessiner selon les lois de la perspective conique. Le principe est de regarder la scène à travers une grille, depuis un point de vue d’obser- vation fixe. Chaque case de la grille correspond à une case du dessin, et la position des éléments de la scène relative aux bords des cases est reproduite sur le dessin. Cette technique est encore utilisée de nos jours par de nombreux peintres. Supposons que, son travail accompli, le peintre décide le lendemain de dessiner un drap sur le buste de son modèle. Nous sommes alors dans une situation analogue à celle de la RA, le drap remplaçant la scène virtuelle et le tableau de la veille l’image à augmenter. Le peintre devra alors faire revenir son modèle, le couvrir d’une pièce de tissu supplémentaire, puis lui demander de poser exactement de la même manière que la veille et dans des conditions d’éclairage identiques. Pour que les traits ajoutés au dessin soient correc- tement alignés avec les éléments apparaissant dans la première version du tableau, il devra aussi positionner la grille et le repère d’observation aux mêmes endroits que la veille. Le problème de l’ali- gnement est donc en fait un problème de position- nement. Dans le cas d’un flux d’images à traiter en temps réel, il est nécessaire de connaître à chaque instant le point de vue de l’observateur ou de la caméra par rapport à la scène observée ou filmée. (1) La précision du GPS peut être améliorée notablement en utilisant un GPS différentiel : un réseau de stations fixes de référence transmet au GPS l’écart entre les positions indiquées par les satellites et sa position réelle. Du fait de son coût prohibitif, cette solution n’est cependant pas accessible au grand public. Ce problème de positionnement est commun à la RA et à la robotique. Pour le résoudre, il est possible d’utiliser des capteurs physiques de position et d’orientation : en intérieur, des capteurs magnétiques, optiques ou acoustiques peuvent être utilisés en appliquant le principe de triangu- lation. La précision de ces capteurs est bonne, mais leur portée est limitée à quelques mètres et leur utilisation nécessite d’installer un dispositif onéreux et complexe à manipuler. En extérieur, une boussole couplée à des accéléromètres et à un gyroscope permet de mesurer une orientation dans le repère terrestre; un capteur tel que le GPS (Global Positioning System) fournit par ailleurs une position (latitude et longitude) dans ce même repère. Il est donc possible de résoudre le problème de l’alignement dans des images capturées depuis un dispositif muni de tels capteurs. Malheureusement, la précision de ces capteurs est faible et sensible aux conditions environnementales et météorologiques. De l’ordre d’une dizaine de mètres pour le GPS et de quelques degrés pour les capteurs d’orientation, elle se traduit fréquemment par des décalages de plusieurs dizaines de pixels dans les images vidéo. Cette précision est suffisante pour des applica- tions visant à afficher des informations textuelles par-dessus les lieux ciblés, mais insuffisante pour d’autres utilisations telles que l’étude d’impact en architecture ou l’aide à la mobilité. À l’heure actuelle, le seul moyen d’obtenir une précision plus importante en milieu extérieur est d’utiliser la vision par ordinateur (1) . Article > Gilles Simon La réalité augmentée Figure 3 : Albrecht Dürer, Instructions pour mesurer (Le dessinateur de la femme couchée), 1527. Alignement des scènes réelle et virtuelle

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