ALS - Magazine 3 - Janvier 2012

8 / ALS Mag Les petites échelles ne jouent néanmoins pas un rôle neutre dans les écoulements atmosphériques et océaniques. Nous avons évoqué plus haut le rôle déterminant de la stratification en densité. Or l’épaisseur des deux couches de fluides est extrêmement mince : l’essentiel de la masse de l’atmosphère est concentrée dans les vingt premiers kilomètres, alors que la profondeur moyenne de l’océan est inférieure à quatre kilomètres : il en résulte que la part des circulations atmosphé- riques et océaniques qui contrôlent la stratification s’organise naturellement à des échelles horizontales et verticales de quelques kilomètres (pour les mouvements convectifs associés à la formation des cumulonimbus dans l’atmosphère, par exemple, ou pour les grandes cheminées de formation d’eau profonde dans l’océan). Les mouvements turbulents des couches limites de surface, du côté atmosphérique comme du côté océanique forment des tourbillons qui sont de l’ordre de la centaine de mètres. Le dévelop- pement de la modélisation du climat, s’est donc effectué depuis plus de vingt ans selon une double démarche : d’une part représenter les mouvements de grande échelle de manière explicite, souvent en utilisant des équations qui filtrent certains modes instables de petite échelle (approximation hydrostatique, approxi- mation quasigéostrophique, filtrage des ondes de gravité) ; d’autre part représenter l’effet statistique des petites échelles sur l’écoulement – ce que l’on appelle la « paramétrisation » de ces échelles. Bien sûr, cette approche suppose un découplage suffisant pour que les propriétés statistiques des petites échelles soient déterminables à partir des conditions atmosphériques ou océaniques à grande échelle – une propriété qui se révèle a posteriori assez bien vérifiée, mais qui constitue une limitation intrinsèque des modèles. Le développement de paramétrisations occupe ainsi une place importante dans nos disciplines. Il ne peut s’envisager sans l’observation détaillée des systèmes représentés, ce qui a entraîné la mise en place au fil des années de campagnes d’observations ciblées, par exemple de certains systèmes nuageux (stratus, cirrus, nuages convectifs de type cumulonimbus – par exemple associés à la mousson africaine, comme ce sera le cas dans la future campagne AMMA qui va occuper une part importante de la communauté française dans les années à venir), ou encore des effets du sol (végétation, relief, glace ou neige). De même des campagnes en mer importantes (POMME, dans l’Atlantique nord) ont été mises en place pour déterminer les conditions de mélange vertical dans les océans. Le développement de paramétrisations s’appuie aussi sur des approches plus théoriques et sur les résultats de modèles phénoménologiques de plus petite échelle, par exemple les modèles dits LES (Large Eddy Simulations), qui décrivent les couches limites. Les modèles incluent aussi une représentation, elle aussi nécessairement simplifiée, des sources de chaleur : il s’agit de décrire la chaîne des processus qui permettent que l’énergie reçue du Soleil soit exactement compensée par l’énergie émise par le système terre-océan-atmosphère. La température de surface du Soleil est de 6 000 °C environ et la longueur d’onde du rayonnement solaire s’étend de l’ultraviolet Interactions entre échelles spatiales et paramétrisations Article > Hervé Le Treut «L’essentiel de la masse de l’atmosphère est concentrée dans les vingt premiers kilomètres, alors que la profondeur moyenne de l’océan est inférieure à quatre kilomètres»

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