ALS - Magazine 3 - Janvier 2012

6 / ALS Mag Article > Hervé Le Treut Ces milieux échangent continuellement de la matière, de l’énergie ou de la quantité de mouvement au travers de processus qui peuvent être physiques, chimiques, ou biologiques. L’utilisation de modèles numériques décrivant ce système (que nous appellerons par la suite système climatique) est devenu indispensable pour un grand nombre d’applications : qu’il s’agisse d’en prévoir le comportement à court terme, ou encore d’évaluer l’impact des activités humaines à plus long terme. Le développement des modèles répond ainsi à un besoin social important, car ils constituent souvent les seuls outils qui peuvent éclairer des décisions politiques concernant l’environnement global de notre planète. Malgré l’usage largement partagé et médiatiquement très visible des modèles, la démarche qui sous-tend leur conception n’est pas toujours bien comprise, ce qui nourrit une méfiance diffuse, et conduit à remettre en cause périodiquement le bien-fondé des alertes de la communauté scientifique, en particulier concernant le caractère inéluctable d’un changement climatique si l’augmentation de la teneur atmosphérique en gaz à effet de serre se poursuit. A la décharge de ces sceptiques, la modélisation du système climatique peut sembler au premier abord un objectif impossible, à rebours des démarches scientifiques plus tradition- nelles, puisqu’il s’agit de recréer la complexité du monde réel à partir des lois fondamentales de la physique ou de la mécanique. Par ailleurs, les lois de la mécanique des fluides sont non linéaires, elles font interagir toutes les échelles spatiales et temporelles. Ainsi il est bien connu que la circulation atmosphé- rique n’est pas prévisible de manière déterministe au-delà de quelques jours, parce que la croissance des petites échelles vient contaminer l’ensemble de la circulation. Comment croire alors que la modélisation numérique permette de recréer de manière réaliste et utile les éléments principaux des circulations atmos- phériques et océaniques sur des périodes plus longues, de l’ordre du siècle ? En fait, en dépit d’une composante imprévisible et chaotique, les écoulements atmosphériques et océaniques présentent des éléments d’organisation très forts, ce qui rend pertinente leur modélisation numérique à l’échelle du globe. Un coup d’oeil à n’importe quelle image satellitaire (figure 1) montre des structures spirales de plusieurs milliers de kilomètres associées aux dépressions de moyenne latitude. Dans la région intertropicale on peut distinguer une zone de montée de l’air, située principalement près de l’équateur, qui est associée à des pluies intenses, et des zones de descente, où l’air froid et sec qui vient des couches hautes de l’atmos- phère détermine au contraire d’immenses zones déser- tiques. Deux facteurs essentiels sont à l’origine de cette organisation à très grande échelle. Le premier est le gradient de température entre le Pôle et l’Equateur. Celui-ci résulte en premier lieu d’une différence marquée du rayonnement solaire reçu en surface, en moyenne moins intense aux Pôles qu’à l’Equateur, même si les choses ne sont pas tout à fait aussi simples car une partie du rôle des circulations atmosphériques et océaniques consiste précisément à réduire ce gradient de température en apportant continûment de la chaleur de l’équateur vers les Pôles. L’autre élément d’organisation des circulations est la rotation de la Terre, qui induit des forces de Coriolis dont on peut montrer qu’elles constituent le terme principal qui équilibre les gradients de pression, qui traduisent eux-mêmes les différents processus de chauffage dans les équations de la dynamique de l’atmosphère ou des océans. On désigne cette propriété sous le nom d’équi- libre géostrophique ; l’amplitude des autres forces d’inertie est alors très inférieure à celle de la force de Coriolis. Ce quasi-équilibre caractérise les écoule- ments atmosphériques ou océaniques les plus Des fondements physiques solides «...le caractère inéluctable d’un changement climatique si l’augmentation de la teneur atmosphérique en gaz à effet de serre se poursuit.» L’environnement global de notre planète constitue un système d’une grande complexité, parce qu’il associe des éléments aux comportements très différents : fluides atmosphériques et océaniques, glaciers, ou sols continentaux.

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