ALS - Magazine 3 - Janvier 2012

ALS Mag / 11 Comprendre les différences entre modèles Le résultat dépendant à la fois des scénarios d’émis- sions de gaz à effet de serre ou de la sensibilité des modèles utilisés, chacun de ces deux facteurs expliquent en gros une moitié de la dispersion des résultats (figure 2). Les scénarios d’émission corres- pondent à une tentative, sinon de prévoir les activités humaines, du moins de décrire un certain nombre de futurs possibles – il est donc heureux qu’une incer- titude subsiste, c’est celle du libre choix de nos sociétés. On peut être plus surpris que différents modèles (il en existe une quinzaine à l’échelle de la planète) donnent des résultats très différents. En fait nous avons vu plus haut que les modèles représentaient assez bien les grandes échelles horizontales, mais de manière statis- tique ou paramétrique les mouvements de plus petite échelle qui contrôlent la stratification verticale. Or le forçage radiatif par les gaz à effet de serre est en premier lieu une perturbation de cette stratification, avec un réchauffement des dix kilomètres les plus bas de l’atmosphère (la troposphère) et un refroidissement de la stratosphère. Il n’est donc pas étonnant que les modèles ne soient pas parfaitement adaptés à cette situation et que, selon les approches retenues pour la représentation des échelles turbulentes ou convectives, ils puissent donner des résultats d’ampleur différente. Cette situation a été analysée, et a montré que l’élément le plus sensible est l’effet de la vapeur d’eau ou celui des nuages. Dans les modèles, l’effet de la vapeur d’eau multiplie par deux l’amplitude de la réponse climatique : c’est donc un effet considérable, qui a très vite attiré l’attention de la communauté scientifique mais aussi de certains groupes de pression. Dans un premier temps des données satellitaires ont semblé offrir une validation simple. Une mesure du rayonnement infrarouge au sommet de l’atmosphère permet de déduire un « indice d’effet de serre » qui est très bien corrélé aux valeurs de la température de surface. Après analyse plus poussée, la situation est apparue moins simple qu’anticipé. En particulier, les régions tropicales sont sèches sur de larges étendues, au dessus des déserts et des océans adjacents, où l’air est donc loin de son niveau de saturation. Dans ces régions ce ne sont pas les fluctuations de la température, mais celles de la dynamique de l’atmosphère qui contrôlent l’humidité : si le mouvement descendant qui amène l’air sec depuis les hautes couches de l’atmosphère vers ces régions désertiques tend à s’accentuer, alors l’effet de serre lié à la vapeur d’eau pourrait diminuer : la possibilité d’une rétroaction négative a ainsi été soulevée par Richard Lindzen, du MIT. Les modèles ne confirment pas ce scénario, mais comment vérifier leur validité ? La communauté scientifique a dû entreprendre un travail fin, consistant à évaluer les modèles dans le cadre des changements climatiques observables (variations saisonnières, variations interannuelles associées à des phénomènes tels que El Niño, ou âge glaciaire). La transposition de ces situations au cas du réchauf- fement global est toujours indirecte, parce que les changements de circulation atmosphérique ont une localisation différente, mais dans tous les cas la présence d’une rétroaction positive de vapeur d’eau est nécessaire pour que les simulations soient réalistes. Ce type de démarche doit désormais être appliqué au cas, plus complexe encore, des nuages : ces derniers réchauffent le climat par effet de serre, le refroidissent par réflexion du rayonnement solaire. A cela s’ajoute un dégagement de chaleur latente qui est le premier terme de chauffage direct de l’atmosphère, particuliè- rement important dans les Tropiques. L’importance relative de ces processus dépend de caractéristiques nuageuses qui peuvent varier avec le climat : hauteur, forme, microphysique (taille des gouttes ou des cristaux). La neige, la glace, de manière générale l’état des sols, constituent aussi des facteurs de modification de la réponse climatique qui restent difficiles à évaluer. Les données satellitaires qui doivent permettre une évaluation plus fine des modèles commencent déjà à exister, et d’autres le seront à bref délai : c’est ainsi que plusieurs instruments actifs (radar, lidar), et un radiomètre capable de mesurer la lumière solaire réfléchie sous plusieurs angles et plusieurs polarisa- tions (POLDER) seront disponibles d’ici deux ans. Les données recueillies permettront d’évaluer la variation d’un grand nombre de paramètres nuageux (ou liés aux aérosols) dans le cadre de fluctuations climatiques naturelles, première étape pour en évaluer le rôle dans le cadre des changements climatiques futurs. Ces résultats restent néanmoins tributaires d’incertitudes assez larges, qui peuvent paraître surprenantes pour le non- spécialiste. Dans son rapport 2001, le GIEC prévoyait pour l’an 2100, un réchauffement de 2° à 6 °C. Figure 2 - Scénarios d’évolution de la température jusqu’en 2100 (Groupe Intergouver- nemental pour l’Evolution du Climat, 2001). Chaque barre de couleurs renvoie à un scénario socio-économique donné, dont les conséquences climatiques sont évaluées par un ensemble de modèles. Figure 2

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