ALS - Magazine 3 - Janvier 2012

10 / ALS Mag La prévision des variations climatiques futures Article > Hervé Le Treut Ceci correspond à une réalité un peu paradoxale : la vapeur d’eau (représentant 2 millièmes de la masse de l’atmosphère), le CO2 (près de 10 fois moins), quelques gaz traces présents à des teneurs plus faibles encore (méthane, ozone), les nuages (condensat d’une fraction de la vapeur d’eau ne dépassant pas quelques pourcents) suffisent à produire un réchauffement de surface qui conduit la température de la planète de – 18 °C en moyenne (si elle n’était composée que d’oxygène et d’azote), à sa valeur actuelle de 15 °C. Ce réchauf- fement de 33 °C ne constitue d’ailleurs qu’une sous- estimation de l’effet radiatif des gaz à effet de serre : en effet l’atmosphère doit aussi maintenir une stratifi- cation verticale stable, qui limite le gradient vertical de température, et donc la température de surface. Nous sommes donc confrontés à un phénomène extrê- mement sensible, que les activités humaines ont le pouvoir d’augmenter significativement, et ce, d’autant plus que certains gaz ont une durée atmosphérique très grande : le « temps de résidence » du CO2 dans l’atmos- phère (ou plus exactement, le temps de retour à un équilibre si l’on cesse d’en émettre) est de l’ordre du siècle. Le CO2 s’accumule donc dans l’atmosphère et sa croissance est exponentielle. Un gaz comme le méthane a quant à lui une durée de vie de l’ordre de la décennie, certains fréons très stables de l’ordre dumillier d’années. Tenter d’évaluer des scénarios de changement climatique pour le futur a été entrepris depuis près de vingt ans avec des modèles et des approches de complexité croissante. Dans un premier temps les modèles étaient limités à une composante océanique très simple, une simple couche d’eau de 50 mètres, dont le temps de réchauffement donnait son inertie au système climatique. Ces modèles permettaient de prédire des variations climatiques qui dans les grandes lignes restent pertinentes. Le réchauffement est plus marqué vers les Pôles ou sur les continents, avec une valeur moyenne du réchauffement se situant dans une fourchette de 1,5 à 5 degrés Celsius. Au contraire la modification du système hydrique est plus importante dans les Tropiques, avec une tendance à l’exagération des tendances actuelles, et donc plus de pluie dans les régions humides, et plus de sécheresse dans les régions semi-arides (ce diagnostic étant à nuancer du fait du déplacement possible de ces zones sèches ou humides). Par la suite, des modèles plus complexes ont été utilisés : introduction d’un océan complexe, scénarios d’aug- mentation progressive du CO2 et des autres gaz à effet de serre, ces scénarios s’inspirant désormais de modèles socio-économiques (évolution de la démographie, du mode de croissance) pour établir des évolutions possibles des émissions de gaz à effet de serre. Ces résultats confirment ceux des modèles plus simples. La réponse océanique peut modifier la répar- tition géographique de certains processus (arrêt de la circulation Nord-Atlantique et moindre réchauf- fement dans cette région, augmentation des événements El Niño), mais les tendances à plus grandes échelles restent les mêmes. Il s’y ajoute une élévation du niveau de la mer de quelques dizaines de centimètres résultant de la dilatation des océans et de la fonte des glaciers de montagne. Il devient légitime d’utiliser les modèles pour essayer de simuler des scénarios concernant l’action de l’homme sur le climat. Cette action peut prendre plusieurs formes (modification des propriétés du sol, émissions de poussière) mais l’effet dominant est celui des gaz à effets de serre. «...l’exagération des tendances actuelles, et donc plus de pluie dans les régions humides, et plus de sécheresse dans les régions semi-arides...»

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