ALS - Magazine 2 - Janvier 2011

Le néodarwinien insatisfait Pendant le congrès ‘Paléontologie et Transformisme’ de 1947, dans le parc Montsouris avec G.G. Simpson, Mme Haldane, J.B.S. Haldane, J.Viret, D.M.S. Watson, L. Cuénot, Melle Deschaseaux, M. Guillaumo et P. Teilhard de Chardin . 28 / ALS Mag Aujourd’hui la théorie de l’évolution a intégré une composante biochimique (la génétique moléculaire), l’organisme individuel (biologie du développement), et les populations (polymorphisme génétique = coexistence de plusieurs versions d’un même gène, génétique écologique, sociobiologie). De nouveaux modèles sont venus s’imposer avec le temps, même si leur acceptation n’est pas toujours unanime : J celui de S.G.Goud, non strictement darwinien: la contingence historique plutôt que tirage aléatoire, la prise en compte de la morphogenèse de l’individu et des contraintes de développement, l’apparition précoce des grands plans d’organisation du vivant par décimation, J la théorie neutraliste de l’évolution moléculaire de M. Kimura, non darwinienne non plus : le maintien du polymorphisme génétique pourrait être dû au fait qu’il est évolutivement neutre, ce qui revient à minimiser le rôle de la sélection naturelle, J la théorie sélectionniste du gène égoiste de R. Dawkins : version revisitée d’une théorie plus ancienne, les individus ne sont que des artifices inventés par les gènes pour se reproduire, J l’hypothèse darwinienne de la reine rouge de L. Van Vallen : chaque espèce confrontée aux innovations des autres doit évoluer pour rester dans la course. A partir du congrès Paléontologie et transformisme de 1947 réunissant pour la première fois français et anglo-saxons autour de l’évolution, Lucien Cuénot, face à cette théorie néodarwinienne, se rangea parmi les néodarwiniens insatisfaits comme Caullery ou Teilhard de Chardin. D’une façon générale, l’adaptation des êtres vivants à leur environnement, leur potentiel évolutif, le développement de l’individu, ne trouvaient pas d’explication suffisante dans ce nouveau cadre. Cette insatisfaction n’était pas nouvelle : nombreux tout comme Cuénot dès 1897 butèrent d’abord sur l’importance à accorder les pleins pouvoirs à la sélection naturelle. La sélection aveugle, telle qu’elle était entendue à cette époque, possède au mieux un rôle conservateur, éliminant les inaptes mais ne créant rien, n’étant pas constructrice dans le détail comme les ajustements morphologiques et leurs corrélats instinctifs rendant bon nombre d’observations naturalistes ininterprétables dans ce cadre conceptuel. Fort de ce scepticisme, et certain que l’adaptation des êtres vivants à leur milieu ne devait rien à un quelconque lamarckisme, Cuénot avait pourtant apporté un élément nouveau au transformisme avec sa théorie de la préadaptation élaborée en Lorraine. (voir encadré) $ Phasme, aquarelle de Cuenot Arbre de l’évolution de Lucien CUENOT (1866-1951) Visible au Muséum-Aquarium de Nancy

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