ALS - Magazine 2 - Janvier 2011

26 / ALS Mag Article > Annette Lexa-Chomard Une insatiable curiosité …voilà les cellules qui se multiplient à partir de l’œuf. Et, toujours elles vont pousser dans le même sens, se replier au même endroit. Toujours en un point déterminé, les cellules, à un moment déterminé, vont engendrer quelque chose comme un poil ou comme un ongle ou comme une glande. Pourquoi ? Et à telle place, dans le pelage ou le plumage, une tache du même rouge ou du même gris, toujours la même. Pourquoi ? Je te le demande. Il est impossible d’expliquer ces choses, et ces choses sont l’essentiel, et ces choses sont les seules qu’on voudrait vraiment comprendre. Et quand les cellules se seront multipliées (…), elles s’arrêteront, comme si, réellement, elles avaient rencontré un obstacle consistant. Et, ailleurs, elles ménageront une fossette, et ailleurs un petit canal. D’où vient cette propriété mystérieuse, inintelligible? Lucien Cuénot a sans aucun doute inspiré l’écrivain et ami Georges Duhamel (1) qui s’avoua profondément troublé par les réflexions du biologiste sur l’adaptation organique. Pour avoir osé poser cette question à une époque où il ne pouvait y avoir de réponse scientifiquement honnête, pour l’avoir trop souvent rappelée à ses contemporains, Lucien Cuénot, homme au demeurant libre et agnostique, connut un long purgatoire dont il est temps de le sortir. Il fut non seulement amalgamé trop rapidement avec les derniers néolamarckistes français, mais plus injustement encore accusé d’être un finaliste chrétien. Le nom de Cuénot reste attaché à la naissance de la génétique, dans un pays qui n’a pas su pourtant apprécier l’ampleur de ses précoces réflexions. Il fut le premier grand biologiste français de la première moitié du XXe siècle, ainsi qu’un des derniers grands naturalistes de ce siècle, on le sait moins. L’on connaît moins encore l’autre facette, celle du théoricien de l’évolution, dérangeant, et, là encore, mal compris en France : la fin de l’ère de la biologie moléculaire réductionniste qui prit naissance juste après sa mort, les thèses évolutionnistes plus récentes, les découvertes de la biologie du développement permettent enfin d’apprécier la pleine saveur de la pensée cuénotienne. $ (1) : Chronique des Pasquier, Cécile parmi nous, p.220, 1938, Ed.Mercure de France, Paris, 297p. (2) : Cette théorie dite du plasma germinatif (1883) postulait l’existence d’un support matériel de l’hérédité : des particules séparables étaient contenues dans le noyau des cellules reproductives (le germen). Weismann affirmait en outre l’impossibilité de la transmission héréditaire des caractères acquis. Darwin avait déjà lui-même proposé en 1868 une hypothèse provisoire d’inspiration lamarckiste : des particules appelés gemmules, déterminant les caractères héréditaires, seraient produites en plus ou moins grand nombre par les différentes parties du corps (le soma), et, libres de circuler, pouvaient s’accumuler dans les cellules germinales. (3) : L’épistasie est l’action d’un gène sur un autre gène dont l’expression est alors modifiée (4) : La méiose est le processus de division cellulaire qui aboutit à la production de cellules sexuelles à n chromosmes . C’est un processus important de la reproduction sexuée.

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