ALS - Magazine 2 - Janvier 2011
Article > Jean Chaline 18 / ALS Mag Des contraintes physiques au vivant ? Les altérations du développement Ce sont les hétérochronies - modifications de la vitesse ou de la durée du développement - qui se réalisent durant le développement (ontogenèse) d’ancêtres à descendants. Le développement peut être ralenti (décélération) ou accéléré (accélération). Chez le ver Caenorhabditis elegans , on a mis en évidence un gène hétérochronique qui ralentit, ou accélère le développement. Mais le développement peut être aussi tronqué (hypomorphose), ou allongé (hypermorphose). Un très bel exemple est celui du développement des oursins des grands fonds de l’Océan Atlantique démontré par B. David en 1986. À partir d’un embryon rond, banal d’oursin, un développement légèrement accéléré aboutit à l’oursin appelé Pourtalesia qui présente une forme de large bouteille. Un développement très accéléré à partir du même type d’embryon aboutit à un oursin complètement différent d’un point de vue morphologique, c’est Echinosigra qui ressemble à une bouteille avec un col très allongé. Ce qui montre que l’accélération du développement change la forme de l’organisme ! Le même processus s’est réalisé chez les primates. Lorsque l’on compare le développement des singes supérieurs (auquel appartenait l’ancêtre commun aux chimpanzés et à l’homme), on constate que les caractères simiesques (qui rappellent le singe) adultes, notamment le bourrelet au-dessus des yeux, disparaissent par étapes chez les adultes, tandis que les caractères juvéniles des singes, tels que le crâne arrondi, s’étendent pour devenir dominant chez l’homme moderne. C’est ainsi qu’on a pu montrer mathématiquement (par les méthodes dites « Procrustes ») que le crâne de l’homme adulte avait conservé la forme de celui d’un singe juvénile ancestral commun et que la bipédie temporaire était devenue permanente chez l’homme. Il faut faire ici appel à une approche pluridisciplinaire impliquant la paléontologie, la biologie et la physique. Depuis les années quatre-vingt on a commencé à prendre en compte un certain nombre de phénomènes physiques qui ne répondent pas aux « lois de structuration linéaire » de la physique classique (quand deux variables sont liées selon une ligne, cf. un pendule). Ces phénomènes procèdent de « lois » particulières dites “ lois de puissance (2) en x 2 », exprimant l’existence potentielle de structurations fractales sous-jacentes. Qu’est-ce qu’une structure fractale ? En travaillant sur les bruits de fond du téléphone, le cours du coton et la longueur de la côte de Bretagne, Benoît Mandelbrot (3) a découvert une structuration universelle qu’il a nommée : « fractale » du latin « fractus » (brisé, irrégulier). On dit d’un objet qu’il est « fractal » s’il possède une structure à toutes les échelles. Si elles sont identiques, « le fractal est dit autosimilaire ». L’autosimilarité signifie que l’on retrouve le même motif quand on zoome sur un motif Gould a écrit dans son livre « La vie est belle » en 1989 (Stephen Jay Gould, paléontologue et géologue américain) : « La vie exhibe une structure obéissant aux principes de la physique, mais tout dépend de l’échelle ou du niveau envisagé. Il y a des lois pour le cadre général (formes générales liées aux contraintes de construction et fonctions des organismes) et la contingence pour le détail ». Qu’en est-il vraiment ? Mandelbrot Chou fleur Romanesco La poussière de Cantor On prend un segment, on lui enlève le tiers central, on recommence avec chacun des deux segments restants, et ainsi de suite… jusqu ’à la formation d’une poussière de pixels, la poussière de Cantor…
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