ALS - Magazine 2 - Janvier 2011
ALS Mag / 17 Elle nous est apportée par la seule biologie. Le stade actuel de la théorie de l’évolution est appelé EVO-DEVO, ce qui signifie Evolution- Développement (Evolution pour la génétique et la paléontologie et Développement pour l’embryologie et l’ontogenèse). La vie transmet à un individu ce qu’il reçoit de ses deux parents avec des modifications, les mutations. L’évolution est un véritable « bricolage » qui rénove et élargit sans cesse le programme génétique ancestral grâce aux « mutations aléatoires » induites par les rayons ionisants cosmiques (50%) et par les rayons terrestres. La mécanique démontrée de l’évolution des espèces est celle des mutations de deux types de gènes, les gènes de régulation déjà évoqués, les gènes Hox de la macroévolution, et les gènes ouvriers de la microévolution qui introduisent des modifications à l’intérieur des plans d’organisation. Le résultat de ces mutations se traduit dans le développement embryologique des individus par des changements morphologiques et physiologiques nouveaux ou modifiés par rapport à ses parents qui sont soumis, dès la naissance, à l’environnement. Selon que les caractères sont neutres ou avantageux, les nouvelles caractéristiques sont maintenues et l’individu survit. Mais s’il présente de nouveaux caractères désavantageux, il peut être éliminé impitoyablement par l’environnement qui effectue une sélection naturelle d’élimination. C’est ainsi que procède l’évolution des espèces d’une génération à l’autre et qui a abouti à la biosphère actuelle. C’est ce que j’ai appelé en 1988, dans une conférence invitée au Collège de France par Yves Coppens : l’« Inside story » : Le génome et le développement (internes) proposent, en premier, l’environnement (externe) dispose, seulement ensuite. Les études de génétique nous démontrent par exemple comment la vie est passée d’un plan d’organisation avec un système nerveux ventral et un tube digestif dorsal (les invertébrés) à un plan d’organisation inverse avec un système nerveux dorsal et un tube digestif ventral (vertébrés). L’inversion dorso-ventrale entre les Invertébrés et les Vertébrés qui se situe vers -600 Ma., avait été suggérée par Geoffroy Saint- Hilaire en 1796 et moquée par le créationniste qu’était Georges Cuvier. Il s’agit d’un changement de plan d’organisation qui correspond à une rupture de symétrie. On sait désormais grâce à de Robertis & Sasai (1996) que ce changement morphologique majeur est simplement contrôlé par un couple de gènes de régulation Hox antagonistes qui s’expriment par des protéines antagonistes, dorsalisantes, ou ventralisantes. C’est-à-dire que les cellules au cours du développement reçoivent des ordres qui les envoient à tel ou tel emplacement, vers le dos ou vers le ventre. Il s’agit d’une mécanique souple et économique où les gènes Hox déterminent les limites du plan d’organisation et imposent des contraintes de développement qui canalisent parfois l’évolution intra-plan par le jeu de la sélection naturelle. De la même façon, Denis Duboule et son équipe de Genève ont résolu une énigme évolutive : la formation des membres des animaux à quatre pattes (tétrapodes). Les membres des tétrapodes se forment en une séquence de trois phases contrôlées par les gènes Hox a et d 9-13 de la façon suivante : (1) humérus/fémur : Hox d-9-10 ; (2) cubitus-radius/tibia-péroné : Hox d-11-12 ; (3) poignet-main-pied-doigt : Hox a-13 et Hox d-12-13 . Un défaut de fonctionnement des gènes Hox a-d9-10-11-12 cause la phocomélie (absence de bras et avant-bras avec une implantation directe des mains et des pieds directement sur le tronc). On se souvient des effets de la thalidomide, cet analgésique conseillé à certaines femmes enceintes dont la forme commercialisée était sous forme racémique, mais dont l’énantiomère, censé être inactif, s’est avéré provoquer des malformations (tératogènes), des phocomélies. $ La mécanique de l’évolution des espèces Les « contraintes de développement » et l’action de la « sélection naturelle » favorisent le développement de certains « organes avantageux » en une véritable « canalisation évolutive » ou « tendance évolutive ». C’est l’exemple de la corne nasale des Titanothères, des mammifères tertiaires d’Amérique (Mc Kinney & Schoch, 1985), qui prend de plus en plus d’importance entre l’Eocène (-56 Ma.) et l’Oligocène (-23 Ma.). C’est un phénomène lié à l’accroissement de la taille des animaux, avec une allométrie qui correspond à la croissance rapide d’un organe par rapport au reste du corps, ici la corne, par rapport aux autres organes du corps. Il n’y a aucune finalité dans les tendances évolutives, simplement l’action des « contraintes de développement » qui font qu’un organe ne peut pas évoluer n’importe comment, et celle des sélections naturelle et sexuelle. Le même phénomène se rencontre chez les Primates où la « tendance évolutive » correspond à « l’accroissement de la capacité crânienne » qui se réalise par des contractions crânio-faciales cumulatives de plus en plus fortes mises en évidence par Delattre et Fenart dans les années 50 et réactualisées récemment par Dambricourt-Malassé. Les tendances évolutives
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