ALS - Magazine 2 - Janvier 2011

16 / ALS Mag Article > Jean Chaline Pour dessiner l’arbre de la vie, la génétique, la paléontologie et la géologie offrent des approches complémentaires. La génétique, par la comparaison des génomes des espèces actuelles, élabore des arbres du vivant que la paléontologie confirme par les fossiles avec l’aide de la géologie qui permet de les dater. On obtient ainsi un arbre de diversification du vivant dans un cadre géologique cohérent et assez bien calibré dans le temps. On sait maintenant que les plus anciennes traces de vie sont ‘probablement’ les stromatolithes (tapis de pierre) secrétés par des algues cyanophycées du type Nostoc . Ces premiers vestiges sont connus à Warrawoona, en Australie, où ils sont datés de -3,5 à -3,3 milliards d’années. Mais les premiers fossiles indiscutables de cyanobactéries (cellules d’ Eosphaera tyleri et des filaments), ainsi que des spores, ont été retrouvés dans des roches siliceuses du Guntflint du Lac Supérieur en Ontario, datés de -2,1 milliards d’années. C’est vers -600 millions d’années que se produit dans l’histoire du vivant la grande division entre les animaux à symétrie bilatérale ( Urbilateria ) et les formes radiaires (coraux). Les animaux à symétrie bilatérale se divisent eux mêmes en deux groupes selon des caractéristiques embryologiques et anatomiques particulières (Protostomiens (1) et Deutérostomiens), qui aboutissent au Cambrien, entre -542 et -530 millions d’années à une diversification du vivant en des anatomies entièrement nouvelles qui préfigurent déjà les 30 grands plans d’organisation des animaux actuels. On a appelé cette phase, l’explosion cambrienne. Là apparaissent, par exemple les arthropodes et nos ancêtres, les Cordés. L’apparition des grands plans d’organisation correspond à ce que l’on appelle la macroévolution. On sait maintenant que la macroévolution résulte des mutations des gènes de régulation, appelés les gènes Hox . On peut dire qu’au Cambrien, le spectre des grands groupes du monde vivant actuel était déjà en place. Ensuite l’évolution a procédé par des mutations à l’intérieur de ces plans d’organisation, la microévolution qui produit la variabilité des espèces et les nouvelles espèces, pour aboutir à la biosphère actuelle de plus de 3 millions d’espèces. La longue histoire de la vie a été ponctuée par une succession de phases de radiations (multiplication des espèces) et d’extinctions massives. Les phases de radiation se sont développées lorsqu’il y avait des niches écologiques disponibles colonisables, au début du Cambrien, mais elles ont été tronquées par des phases d’extinctions massives dues à des variations des paramètres climatiques ou de la qualité des eaux marines. On a identifié deux extinctions à la fin du Cambrien, une à la fin de l’Ordovicien, deux à la fin du Dévonien et une très grande extinction à la fin du Permien où toute la faune marine a failli disparaître. Ensuite on a reconnu une extinction mineure à la fin du Trias, une grande extinction spectaculaire à la fin du Crétacé où les ammonites et les dinosaures ont disparu et enfin une extinction de plus de 200 genres de mammifères à la fin de la dernière glaciation (entre -12.000 et -8.000 ans). Ces extinctions ont taillé l’arbre du vivant à la manière d’un bonsaï. On assiste actuellement à une extinction massive des espèces animales et végétales due uniquement à l’homme par sa destruction des niches écologiques d’espèces qui vivaient là depuis des milliers, voire des millions d’années. Par exemple, la destruction des forêts amazoniennes et celle des forêts de bambous indispensables aux pandas. $ (1) Chez les protostomiens la bouche se forme en premier, chez les deutérostomiens, c’est l’anus qui se forme en premier et la bouche en second. L’arbre de la vie (Daprès C.R. Woese et E. Fox, 1977) Radiations et extinctions dans l’histoire géologique

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