ALS - Magazine 1 - Décembre 2009
ALS Mag / 13 Dossier > Interview Rencontre avec Michel Fick Directeur de l’ENSAIA - l’École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires Valéry Dubois : Le Laboratoire des Sciences du Génie Chimique est un des grands laboratoires nancéiens. Il dispose d’une nouvelle plateforme d’expérimentation. De quoi s’agit-il ? Michel Fick : Inaugurée fin 2009, nous disposons effectivement, sur l’ENSAIA, d’une plateforme dotée, entre autres, d’un nouveau système de chromatographie liquide associé à la spectrométrie de masse qui nous permettra de déterminer des molécules particulières et de les doser, avec des échelles de niveau de concentration extrêmement faibles. Pour mener à bien nos recherches, nous avons besoin de doser finement des molécules assez variées. Naturellement, les équipements qui permettent cela sont très coûteux. Au niveau du laboratoire mais également de l’ENSAIA, nous travaillons de plus en plus sur des plateformes communes. Cette nouvelle plateforme permet à l’ensemble des laboratoires de l’école de bénéficier d’équipements de haut vol. Je crois que l’avenir est dans la mutualisation des moyens communs, lourds financièrement mais qui peuvent servir à plusieurs équipes ou à plusieurs laboratoires de recherche. En utilisant des matériels de nos partenaires comme l’Institut Français de Brasserie Malterie (IFBM) qui est situé sur le plateau de Nancy- Brabois, nous pouvons travailler sur des mycotoxines, des toxines produites par des champignons, sur l’orge en particulier, avec une technicité, un niveau de dosage sans pareil au niveau européen. Nous devons donc avoir sur place des équipes de recherche mais aussi des centres techniques qui ont de réelles expertises dans tous ces domaines. Nous investissons également dans des équipements de caractérisation de produits alimentaires, de physico-chimie des aliments avec des modules extrêmement précis pour déterminer la rhéologie des produits alimentaires, avec des matériels de dernière génération qui vont nous permettre de travailler de manière beaucoup plus fine sur le matériau alimentaire. Tous ces équipements sont financés par les pouvoirs publics ou les collectivités locales qui nous aident dans ces investissements. V D : On trouve au sein du laboratoire aussi bien des mathématiciens, que des physiciens, des biologistes. Qu’est-ce qui, selon vous, justifie une telle mixité ? M F : Le Laboratoire des Sciences du Génie Chimique emploie plus de 200 personnes, avec une spécificité dans le domaine du génie des procédés qui est une science très fortement développée en France. Il y a deux ou trois pôles importants en France, dont celui de Nancy. C’est un laboratoire qui travaille aussi bien sur des procédés chimiques que sur des procédés biotechnologiques. Les résultats que nous allons présenter ici se focalisent davantage sur le Génie des Procédés Biotechnologiques Alimentaires (GBPA) avec un groupe d’une trentaine de personnes qui travaille sur la mise en oeuvre de procédés liés à ces disciplines scientifiques. C’est un groupe qui est particulier parce qu’il dispose de compétences aussi bien en biologie fondamentale qu’en mise en oeuvre de procédés. On a donc un mélange un peu particulier, un peu ésotérique, de biologie, de mathématiques, de physique ce qui nous fait souvent dire que cette équipe se trouve dans une position très intermédiaire. Nous avons besoin de double compétences avec des recrutements de chercheurs plutôt orientés vers la biologie et d’autres plutôt orientés vers la physique. V D : Et comment se font ces « passages », se vit cette communication entre chercheurs ? M F : Je pense que le chercheur doit avoir la capacité d’ouverture nécessaire pour s’ouvrir à d’autres sciences et donc les biologistes purs et durs doivent faire des efforts pour s’adapter aux contraintes des procédés et inversement : les spécialistes des procédés doivent s’ouvrir à la biologie. Au bout d’un certain temps, nous devenons tous capables d’échanger. C’est un peu la richesse aussi de ce laboratoire : la diversité des compétences nécessaires pour la mise en œuvre des projets. V D : Votre métier a changé ? M F : On se rend compte depuis une vingtaine d’années que le chercheur est devenu aussi quelque part un commercial. Il faut qu’il communique davantage, qu’il se vende, qu’il aille chercher des financements. Donc il y a une part importante du travail qui consiste à aller chercher ces financements complètement indispensables à la mise en oeuvre des sujets de recherche. Le côté positif de l’évolution c’est peut-être l’obligation pour nous de travailler en petites équipes extrêmement ouvertes, ouvertes aux autres et en particulier ouvertes à la constitution de réseaux nationaux et internationaux pour bénéficier des compétences qui se trouvent un peu partout dans le monde. L’amélioration de la communication au sens large, comme via Internet, nous a permis de gagner beaucoup de temps sur la mise en oeuvre de projets importants sur le plan international. Sachant que nous touchons effectivement des domaines assez variés. La biotechnologie au sens large concerne la santé, l’alimentation, le traitement de déchets. Donc, c’est extrêmement large. Et nous voyons que dans chacun de ces secteurs, nous avons des enjeux forts. Dans le domaine de la santé, la biotechnologie s’intéresse aux médicaments de demain, comment les produire ? Comment trouver les bons procédés pour réduire le plus possible les pollutions que nous pouvons engendrer ? Comment utiliser au mieux les écoproduits ? Beaucoup d’enjeux de la société actuelle, finalement, avec l’idée d’améliorer les conditions de vie futures. Image Clé, Valéry DUBOIS Propos recueillis par Valéry DUBOIS / Image Clé
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