Académie Lorraine des Sciences

 

PROCES-VERBAL DE LA SEANCE DU 16 MAI 2002

 

Présents : 43.
Ont émargé le cahier de présence : Mmes Bautz, Combremont, Keller, Lionel-Pelerin, Burckard, Berna-Choppin, Landes, Gimenes, Claudon, Tekin, Grand'Eury, Boumaza, Keller-Didier. Mrs Keller, Combremont, Bautz, Landes, Georges, Jolas, Coudry, Pargney, Tognolli, Burckard, Berna, Claude, Franiatte, Fossard, Claudon, Clément, Metche, Thornton, Bareth, Haluk, Cordier.

Excusés :
Mmes. Rosso-Debord, Puton. Mrs Boyer, Begorre, Mangin, Veron, Pentenero, Chollot, Duval-Cesar, Leroy, Robaux, Peltier, Rauber, Losfeld, Léonard, Gauthrot, Hartemann, Rémy, Puton, Hénard.

La séance est ouverte à 18h00 par le Président J.M. Keller, le secrétariat étant assuré par Alain Bautz.
Le Président excuse le Professeur Hartemann pour raison de santé.
Le Secrétaire Général G. Combremont signale que la conférence de juin sera présentée par Mr Toutain et portera sur "Humus et environnement".

Communications

"A propos du rôle présumé de la gravité dans la symétrisation de l'embryon des Amphibiens. Une réponse apportée par l'expérimentation en biologie de l'espace" par Alain Bautz. La rotation d'équilibration de l'œuf, événement qui se réalise sous l'effet de la gravité terrestre, mais qui ne peut pas s'effectuer en micropesanteur, n'est pas nécessaire à la mise en place du plan de symétrie bilatérale des individus.

"Etude des roches silicodétritiques des métasédiments du Protozoïque supérieur du Shaba (République Démocratique du Congo" par Lokoho-René Okitaudji. L'objectif des travaux est de localiser des minéraux intéressants pour l'économie de la République Démocratique du Congo.

Conférence

"Le saturnisme hydrique de l'enfant et sa prévention" par Mr Michel Duc, Professeur Honoraire de Médecine.
D'emblée, Mr Duc annonce que le saturnisme infantile est une question à 20 milliards d'euros, l'explication émergera dans sa conclusion. En introduction, il redéfinit quelques notions de base. Le saturnisme hydrique est lié à la corrosion des conduites d'eau en plomb installées entre le réseau de la ville et le réseau intérieur de la maison. Les brasures sont également des éléments importants de la pollution des eaux. Le degré de corrosion dépend de la qualité de l'eau, qui peut être acide (corrosion forte), neutre déséquilibrée, neutre équilibrée (corrosion minime). Le seuil toléré de plomb dans l'eau pour les adultes est fixé à 50 µg/l. Le plomb absorbé passe dans le sang, puis en partie dans les os où il est inactif (détoxification), en partie dans les tissus mous, où il a une action toxique ; l'élimination urinaire est faible. Les enfants ingèrent plus de plomb que les adultes, et ils sont plus fragiles, notamment pour les tissu nerveux. Les sources de plomb proviennent de la dégradation des anciennes peintures murales (première cause du saturnisme infantile), de l'eau dans les régions acides, des cosmétiques. Des seuils de plombémie ont été définis pour les adultes, les vieillards, les enfants, et selon le degré de gravité du saturnisme (avec trois formes, avérée, majeure, grave). Pour la forme avérée, les seuils sont respectivement de 200, 250 et 350 µg/l de sang, chez l'enfant, le vieillard et l'adulte. Chez l'enfant, les seuils sont respectivement de 200, 400 et 700 µg/l pour les formes avérée, majeure et grave. Sur le plan clinique, la difficulté est de détecter le plus tôt possible la forme avérée. On observe chez l'enfant, des troubles du sommeil, du comportement, du système végétatif (intestinaux), des céphalées.

Le point axial de l'exposé est le problème des intoxications minimes chez l'enfant, et pour lesquelles il n'y a pas de symptômes décelables. Il a fallu définir des tests pour évaluer l'enfant, notamment des tests portant sur le système nerveux et basés sur les troubles psychomoteurs et cognitifs, intellectuels. Des études ont aussi été menées sur les dents, qui comme les os fixent le plomb. Mais il n'apparaît pas de corrélations entre saturnisme et plombémie des dents de lait. Des enquêtes ont été menées en France, en milieu scolaire, avec dosage de la plombémie sanguine et analyse statistique des résultats. Huit enquêtes n'apportent pas de résultats probants. Vingt six enquêtes montrent des corrélations entre le comportement de l'enfant et le taux de plombémie. Le QI chute de 2,5 points (sur 130) quand la plombémie augmente de 100 µg. Les auteurs ne sont pas d'accord pour définir un effet seuil, 200 µg/l pour certains, 100 µg/l pour d'autres. Avec le principe de précaution, on adopte le seuil de 100 µg/l. Si le taux est inférieur à 100, l'enfant est dit en sécurité ; s'il est compris entre 100 et 150, l'enfant est dit suspect ; si le taux est supérieur à 150, l'enfant est dit intoxiqué. Les conséquences de ces seuils pour la consommation d'eau sont importantes, particulièrement chez les nourrissons. Ce sont les nourrissons de 5 mois qui prennent le plus d'eau, 5,25 l par semaine. Or l'apport maximum de plomb par semaine est de 125 µg, deux apports partiels étant incompressibles : celui des aliments (lait) avec 60 ug, et celui de l'air et des poussières avec 14 µg ; il reste 51 µg maximum pour l'eau. Le seuil admis pourrait être de 10ug/l d'eau. Les conséquences pratiques sont que pour faire chuter le taux de plomb ingéré, il faut limiter le taux de plomb dans l'eau ; on peut neutraliser les eaux acides, et il faudrait supprimer les conduites en plomb et les brasures. Le coût de ces opérations est actuellement estimé à 20 milliards d'euros, chiffre donné en début de conférence.

Des critiques sont à formuler, car toutes les études ne sont pas convaincantes, il y a beaucoup de facteurs de confusions. Il est difficile de ramener un problème cognitif (l'évaluation du QI) à un seul critère, et il ne faut pas tout cibler sur l'eau. Mr Duc a participé à deux enquêtes en Lorraine. La première révèle que 2% des enfants lorrains ont un taux de plombémie supérieur à 100 ug/l. La deuxième, portant sur l'étude du QI chez des enfants avec ou sans plomb, a donné des résultat négatifs. Si on laisse le seuil de plomb toléré à 20 µg/l d'eau, on passe à une ingestion journalière de 100 à 145 µg et une perte de 1,25 points de QI. En conclusion, Mr Duc déclare que le saturnisme infantile est un problème de société, un problème de choix. Si le seuil de plomb admis reste comme actuellement de 25 µg/l d'eau pendant encore 20 ans avant de passer à 10 ug/l, les enfants perdant 1,25 points de QI, la sociéte "économise" dans l'immédiat 20 milliards d'euros.

La conférence a soulevé de nombreuses questions ou éléments de réflexion : les résultats d'une enquête d'étudiants de la Faculté de Pharmacie de Nancy incite à offrir les 5,25 l d'eau hebdomadaires aux familles socialement défavorisées ; le développement d'une information au niveau de l'Education Nationale serait utile; une intoxication est possible par inhalation de plomb à travers la paroi alvéolaire des poumons ; le dosage du plomb est pratiqué sur le sang, mais il peut aussi être réalisé aussi sur l'os ou les cheveux ; la cellule nerveuse est la plus sensible au plomb ; chez la femme, le plomb passe à travers le placenta, et dans le lait maternel ; une intoxication in utero entraîne un retard pendant un an, puis ça s'arrange ; le saturnisme des canards est lié à l'utilisation des plombs de chasse ; l'homme peut s'intoxiquer en ingérant des plombs de chasse avec du gibier ; les végétaux en bordure des autoroutes fixent beaucoup de plomb, 2g/kg de lichens par exemple ; lors de la cuisson des légumes dans l'eau, le plomb passe dans les légumes ; pour le café, le plomb reste dans les marcs.

Le Président remercie vivement Mr. Duc pour son exposé.

Fin de la séance à 19h50.

Le Président :Dr J.M. KELLER
Le Secrétaire de séance : A. BAUTZ, Docteur ès Sciences