LES APPORTS DE LA PALƒONTOLOGIE Ë LA THEORIE DE LĠEVOLUTION

 

Jean Chaline[1]

 

La palŽontologie est une science qui permet de reconstituer lĠhistoire de la vie sur la terre et apporte les preuves incontournables de lĠŽvolution des espces. Elle apporte la dimension temporelle de lĠŽvolution.

 

LĠarbre de la vie

 

Par exemple, la gŽnŽtique, par la comparaison des gŽnomes des espces actuelles Žlabore des arbres du vivant que la palŽontologie confirme par les fossiles avec lĠaide de la gŽologie qui permet de les dater. On obtient ainsi un arbre de diversification du vivant dans un cadre gŽologique cohŽrent et assez bien calibrŽ dans le temps.

On sait maintenant que les plus anciennes traces de vie sont ÔprobablementĠ les stromatolithes (tapis de pierre) secrŽtŽs par des algues cyanophycŽes du type Nostoc. Ces premiers vestiges sont connus ˆ Warrawoona en Australie o ils sont datŽs de -3,5 ˆ -3,3 milliards dĠannŽes. Mais les premiers fossiles indiscutables de cyanobactŽries (cellules dĠEosphaera tyleri et des filaments), ainsi que des spores, ont ŽtŽ retrouvŽs dans des roches siliceuses du Guntflint du Lac SupŽrieur en Ontario, datŽs de -2,1 milliards dĠannŽes.

CĠest vers -600 millions dĠannŽes que se produit dans lĠhistoire du vivant la grande division entre les animaux ˆ symŽtrie bilatŽrale (Urbilateria) et les formes radiaires (coraux). Les animaux ˆ symŽtrie bilatŽrale se divisent eux mmes en deux groupes selon des caractŽristiques embryologiques et anatomiques particulires (Protostomiens[2] et DeutŽrostomiens), qui aboutissent au Cambrien, entre -542 et -530 millions dĠannŽes ˆ une diversification du vivant en des anatomies entirement nouvelles qui prŽfigurent dŽjˆ les 30 grands plans dĠorganisation des animaux actuels. On a appelŽ cette phase, lĠexplosion cambrienne. apparaissent, par exemple les arthropodes et nos anctres, les CordŽs. LĠapparition des grands plans dĠorganisation correspond ˆ ce que lĠon appelle la macroŽvolution, dont on sait maintenant quĠelle rŽsulte des mutations des gnes de rŽgulation, appelŽs les gnes Hox. On peut dire quĠau Cambrien, le spectre des grands groupes du monde vivant actuel Žtait dŽjˆ en place. Ensuite lĠŽvolution a procŽdŽ par des mutations ˆ lĠintŽrieur de ces plans dĠorganisation, la microŽvolution qui produit la variabilitŽ des espces et les nouvelles espces, pour aboutir ˆ la biosphre actuelle de plus de 3 millions dĠespces.

La longue histoire de la vie a ŽtŽ ponctuŽe par une succession de phases de radiations (multiplication des espces) et dĠextinctions massives. Les phases de radiation se sont dŽveloppŽes lorsquĠil y avait des niches Žcologiques disponibles colonisables, au dŽbut du Cambrien, mais elles ont ŽtŽ tronquŽes par des phases dĠextinctions massives dues des variations des paramtres climatiques ou de la qualitŽ des eaux marines. On a identifiŽ deux extinctions ˆ la fin du Cambrien, une ˆ la fin de lĠOrdovicien, deux ˆ la fin du DŽvonien et une trs grande extinction ˆ la fin du Permien o toute la faune marine a failli dispara”tre. Ensuite on a reconnu une extinction mineure ˆ la fin du Trias, une grande extinction spectaculaire ˆ la fin du CrŽtacŽ o sont disparus les ammonites et les dinosaures et enfin une extinction de plus de 200 genres de mammifres ˆ la fin de la dernire glaciation (entre -12.000 et -8.000 ans). Ces extinctions ont taillŽ lĠarbre du vivant ˆ la manire dĠun bonsa•. On assiste actuellement ˆ une extinction massive des espces animales et vŽgŽtales due uniquement ˆ lĠhomme par sa destruction des niches Žcologiques des espces qui vivaient lˆ depuis des millions ou des milliers dĠannŽes. Par exemple la destruction des forts amazoniennes et celle des forts de bambous indispensables aux pandas.

 

La mŽcanique de lĠŽvolution des espces

 

Elle nous est apportŽe par la seule biologie. Le stade actuel de la thŽorie de lĠŽvolution est appelŽ EVO-DEVO, ce qui signifie Evolution-DŽveloppement (Evolution pour la gŽnŽtique et la palŽontologie et DŽveloppement pour lĠembryologie et lĠontogense).

La vie transmet ˆ un individu, ce que quĠil reoit de ses deux parents avec des modifications, les mutations. LĠŽvolution est un vŽritable ÔbricolageĠ qui rŽnove et Žlargit sans cesse le programme gŽnŽtique ancestral, gr‰ce aux Ômutations alŽatoiresĠ induites par les rayons ionisants cosmiques (50%) et terrestres.

La mŽcanique dŽmontrŽe de lĠŽvolution des espces est celle des mutations de deux types de gnes, les gnes de rŽgulation dŽjˆ ŽvoquŽs, les gnes Hox de la macroŽvolution, et les gnes ouvriers de la microŽvolution qui introduisent des modifications ˆ lĠintŽrieur des plans dĠorganisation.

Le rŽsultat de ces mutations se traduit dans le dŽveloppement embryologique des individus par des changements morphologiques et physiologiques nouveaux ou modifiŽs par rapport ˆ ses parents qui sont soumis, ds la naissance, ˆ lĠenvironnement. Selon que les caractres sont neutres, ou avantageux, les nouvelles caractŽristiques sont maintenues et lĠindividu survit. Mais sĠil prŽsente de nouveaux caractres dŽsavantageux, il peut tre ŽliminŽ impitoyablement par lĠenvironnement qui effectue une sŽlection naturelle dĠŽlimination. CĠest ainsi que procde lĠŽvolution des espces dĠune gŽnŽration ˆ lĠautre et qui a abouti ˆ la biosphre actuelle.

CĠest ce que jĠai appelŽ en 1988, dans une confŽrence invitŽe au Collge de France par Yves Coppens : lĠÇ Inside story È : Le gŽnome et le dŽveloppement (internes) proposent, en premier, lĠenvironnement (externe) dispose, seulement ensuite.

Les Žtudes de gŽnŽtique nous dŽmontrent par exemple comment la vie est passŽe dĠun plan dĠorganisation avec un systme nerveux ventral et un tube digestif dorsal (les invertŽbrŽs) ˆ un plan  dĠorganisation inverse avec un systme nerveux dorsal et un tube digestif ventral (vertŽbrŽs). LĠinversion dorso-ventrale entre les InvertŽbrŽs et les VertŽbrŽs qui se situe vers -600 Ma., avait ŽtŽ suggŽrŽe par Geoffroy Saint-Hilaire en 1796 et moquŽe par le crŽationniste quĠŽtait Georges Cuvier. Il sĠagit dĠun changement de plan dĠorganisation, qui correspond ˆ une rupture de symŽtrie. On sait  dŽsormais gr‰ce ˆ de Robertis & Sasai (1996) que ce changement morphologique majeur est simplement contr™lŽ par un couple de gnes de rŽgulation Hox antagonistes : (ddp/sog et chordin/BMP2-4), qui sĠexpriment par des protŽines antagonistes, dorsalisantes, ou ventralisantes. CĠest-ˆ-dire que les cellules au cours du dŽveloppement reoivent des ordres qui les envoient ˆ tel ou tel emplacement, vers le dos ou vers le ventre.

Il sĠagit dĠune mŽcanique souple et Žconomique o les gnes Hox dŽterminent les limites du plan dĠorganisation et imposent des contraintes de dŽveloppement qui canalisent parfois lĠŽvolution intra-plan par le jeu de la sŽlection naturelle.

De la mme faon, Denis Duboule et son Žquipe de Genve ont rŽsolue une Žnigme Žvolutive, la formation des membres des animaux ˆ quatre pattes (tŽtrapodes). Les membres des tŽtrapodes se forment en une sŽquence de trois phases contr™lŽes par les gnes Hox a et d 9-13 de la faon suivante : (1) humŽrus/fŽmur : Hox d-9-10 ; (2) cubitus-radius/tibia-pŽronŽ : Hox d-11-12 ; (3) poignet-main-pied-doigt : Hox a-13 et Hox d-12-13. Un dŽfaut de fonctionnement des gnes Hox a-d9-10-11-12 cause la phocomŽlie (absence de bras et avant-bras avec une implantation directe des mains et des pieds directement sur le tronc). On se souvient des effets de la thalidomide, cet analgŽsique conseillŽ ˆ certaines femmes enceintes, dont la forme commercialisŽe Žtait sous forme racŽmique, mais dont lĠŽnantiomre, censŽ tre inactif, s'est avŽrŽ provoquer des malformations (tŽratogne), des phocomŽlies.

 

Les tendances Žvolutives

 

Les Ôcontraintes de dŽveloppementĠ et lĠaction de la ÔsŽlection naturelleĠ favorisent le dŽveloppement de certains Ç organes avantageux È en une vŽritable Ôcanalisation ŽvolutiveĠ ou Ôtendance ŽvolutiveĠ.

CĠest lĠexemple de la corne nasale des Titanothres des mammifres tertiaires dĠAmŽrique (Mc Kinney & Schoch, 1985), qui prend de plus en plus dĠimportance entre lĠEocne (-56 Ma.) et lĠOligocne (-23 Ma.). CĠest un phŽnomne liŽ ˆ lĠaccroissement de la taille des animaux, avec une allomŽtrie qui correspond ˆ la croissance rapide dĠun organe par rapport au reste du corps, ici la corne, par rapport aux autres organes du corps.

Il nĠy a aucune finalitŽ dans les tendances Žvolutives, simplement lĠaction des Ôcontraintes de dŽveloppementĠ qui font quĠun organe ne peut pas Žvoluer nĠimporte comment, et celle des sŽlections naturelle et sexuelle.

Le mme phŽnomne se rencontre chez les Primates o la Ôtendance ŽvolutiveĠ correspond ˆ Ç lĠaccroissement de la capacitŽ cr‰nienne È. qui se rŽalise par des contractions cr‰nio-faciales cumulatives de plus en plus fortes mises en Žvidence par Delattre et Fenart dans les annŽes 50 et rŽactualisŽes rŽcemment par Dambricourt-MalassŽ.

 

Les altŽrations du dŽveloppement

 

Ce sont les hŽtŽrochronies du dŽveloppement  qui se rŽalisent durant le dŽveloppement (ontogense) dĠanctres ˆ descendants.

Le dŽveloppement peut tre ralenti (dŽcŽlŽration) ou accŽlŽrŽ (accŽlŽration). Chez le ver Caenorhabditis elegans, on a mis en Žvidence un gne hŽtŽrochronique : Lin 14-gf (gain de fonction) ou pf (perte de fonction), qui ralentit, ou accŽlre le dŽveloppement. Mais le dŽveloppement peut tre aussi tronquŽ (hypomorphose), ou allongŽ (hypermorphose).

Un  trs bel exemple est celui du dŽveloppement des oursins des grands fonds de lĠOcŽan Atlantique dŽmontrŽ par B. David, en 1986. Ë partir dĠun embryon rond, banal dĠoursin, un dŽveloppement lŽgrement accŽlŽrŽ aboutit ˆ lĠoursin appelŽ Pourtalesia qui prŽsente une forme de large bouteille. Un dŽveloppement trs accŽlŽrŽ ˆ partir du mme type dĠembryon, aboutit ˆ un oursin compltement diffŽrent dĠun point de vue morphologique, cĠest Echinosigra qui ressemble ˆ une bouteille avec un col trs allongŽ. Ce qui montre que lĠaccŽlŽration du dŽveloppement change la forme de lĠorganisme !

Le mme processus sĠest rŽalisŽ chez les primates. Lorsque lĠon compare le dŽveloppement des singes supŽrieurs (auquel appartenait lĠanctre commun  aux chimpanzŽs et ˆ lĠhomme), on constate que les caractres simiesques adultes, notamment le bourrelet au-dessus des yeux, disparaissent par Žtapes chez les adultes, tandis que les caractres juvŽniles des singes, tels que le cr‰ne arrondi, sĠŽtendent pour devenir dominant chez lĠhomme moderne. CĠest ainsi que lĠon a pu montrer mathŽmatiquement par les mŽthodes Procrustes, que le cr‰ne de lĠhomme adulte avait conservŽ la forme de celui dĠun singe juvŽnile ancestral commun et que la bipŽdie temporaire Žtait devenue permanente chez lĠhomme.

 

Des contraintes physiques au vivant ?

 

Gould a Žcrit dans son livre Ç La vie est belle È en 1989 : Ç La vie exhibe une structure obŽissant aux principes de la physique, mais tout dŽpend de lĠŽchelle ou du niveau envisagŽ. Il y a des lois pour le cadre gŽnŽral (formes gŽnŽrales liŽes aux contraintes de construction et fonctions des organismes) et la contingence pour le dŽtail È. 

QuĠen est-il vraiment ? Il faut faire ici appel ˆ une approche pluridisciplinaire impliquant la palŽontologie, la biologie et la physique.

Depuis les annŽes quatre-vingt on a commencŽ ˆ prendre en compte un certain nombre de phŽnomnes physiques qui ne rŽpondent pas aux Ç lois de structuration linŽaire È  de la physique classique (quand deux variables sont liŽes selon une ligne, cf. un pendule), mais procdent de Ç lois È particulires dites Ò lois de puissance[3] en x2È, exprimant lĠexistence potentielle de structurations fractales sous-jacentes.

QuĠest-ce quĠune structure fractale ? En travaillant sur les bruits de fond du tŽlŽphone, le cours du coton et la longueur de la c™te de Bretagne, Beno”t Mandelbrot[4] a dŽcouvert une structuration universelle quĠil a nommŽe : Ç fractale È du latin Ç fractus È (brisŽ, irrŽgulier). On dit dĠun objet quĠil est Ç fractal È sĠil possde une structure ˆ toutes les Žchelles. Si elles sont identiques, Ç le fractal est dit autosimilaire È. LĠautosimilaritŽ signifie que lĠon retrouve le mme motif quand on zoom sur un motif o lĠon trouve un motif identique ˆ lĠintŽrieur dĠun motif identique, et ainsi de suiteÉ Mais Mandelbrot nĠa introduit ni thŽorie, ni de dynamique, cĠest le travail de Laurent Nottale (1982) que nous allons examiner plus loin en dŽtail.

LĠun des plus beaux exemples de fractale est celui des poumons humains. Le motif Ç bifurcation È se retrouve dans 16 dichotomies successives produisant 60.000 branchioles conduisant aux 60.000 acinis contenant les alvŽoles. LĠarbre des veines et des artres des poumons se rŽalise en 23 dichotomies aboutissant aux 8 millions dĠartŽrioles et veines terminales en Žchelles dŽcroissantes. On sait aujourdĠhui que le gne Hoxb-5 influence la morphogense des branchements.

Les structures fractales sont abondantes dans la hiŽrarchie du vivant. On trouve des structures fractales dans les rŽgions non-codantes de lĠADN, ce qui permet de compacter le filament dĠADN long de 1m dans le minuscule chromosome. On en retrouve aussi dans la morphologie des cellules des bactŽries, des algues, des plantes, des coraux et des neurones, dans les organes (poumons, reins, vaisseaux sanguins, estomac, intestin), dans les dŽplacements et oscillations des populations et mme dans les apparitions et extinctions des espces (Dubois et Chaline, 1991). La raison de cette abondance de structures fractales dans le vivant est simple : La fractalisation augmente les surfaces de faon de faon considŽrable dans un Ôespace finiĠ et cet avantage est donc retenu par la sŽlection naturelle. Ainsi, les poumons humains dŽpliŽs couvriraient la surface dĠun court de tennis.

 

L Ôexplication des structures fractales : la thŽorie de la relativitŽ dĠŽchelle de Nottale

 

Le Ç principe de relativitŽ dĠŽchelle È dŽfinie par Nottale en 1982 postule que les lois fondamentales de la nature doivent tre valides, quel que soit lĠŽtat dĠŽchelle du systme de rŽfŽrence. Le principe de relativitŽ dĠŽchelle complte le  principe de relativitŽ de GalilŽe, PoincarŽ et Einstein qui sĠappliquait seulement aux Žtats de position, dĠorientation et de mouvement. La thŽorie de la relativitŽ d'Žchelle consiste ˆ appliquer le principe de relativitŽ aussi aux transformations d'Žchelle. Seuls les rapports dĠŽchelle ont un sens, jamais une Žchelle absolue !

Les consŽquences de ce concept sont importantes. La gŽomŽtrie courbe de lĠespace-temps de la relativitŽ dĠEinstein devient fractale aux petites et aux grandes Žchelles cosmologiques (lois quantiques avec en particulier lĠŽquation de Schršdinger gŽnŽralisŽe et la dŽpendance dĠŽchelle), mais elle nĠest pas fractale ˆ nos Žchelles (physique classique et indŽpendance dĠŽchelle). La dynamique de type classique se transforme en une dynamique nouvelle ayant un caractre quasi-quantique, naturellement capable de morphogense !

 

Lois log-pŽriodoques et phŽnomnes critiques

 

Des lois log-pŽriodiques apparaissent ÔnaturellementĠ dans cette approche, quand on passe ˆ des transformations non-linŽaires. Ce sont des lois de prŽdictibilitŽ ˆ caractre indŽterministe !

QuĠest-ce quĠune loi log-pŽriodique ? Une loi Ç log-pŽriodique È montre une pŽriodicitŽ dans les changements dĠŽchelle, en fonction dĠun logarithme de la variable comme, par exemple, lorsque lĠon fait un  zoom en continu 2, 4, 8, 16, 32).

Les premires applications de ces lois log-pŽriodiques ont ŽtŽ rŽalisŽes par Sornette et Sammis en 1995 ˆ propos du tremblement de terre de KobŽ au Japon. Ils ont montrŽ que des Žmissions dĠions chlore (Cl-) identifiŽs par des capteurs ne se rŽpartissaient pas selon une loi linŽaire, mais selon une loi log-pŽriodique. En consŽquence, si lĠon avait su la signification de cette Žmission dĠions chlore, on aurait pu prŽvoir le tremblement de terre environ quarante heures ˆ lĠavance.

Nottale dans le livre Ç Des fleurs pour Schršdinger È[5], a pu Žvaluer le prochain pic de probabilitŽ des tremblements de terre en Californie. En prenant les donnŽes de lĠUS Geological Survey EarthQuake Data Center pour les annŽes 1932-2006 et Earth Quake Data Base pour les tremblements de terre historiques, annŽes 1500-1932, Nottale a pu montrer que la distribution observŽe est trs bien ajustŽe par une loi de puissance soumise ˆ une forte oscillation log-pŽriodique dŽcŽlŽrant depuis lĠŽpoque critique de 1796. LĠhistogramme de la distribution des dates des tremblements de terre de magnitude supŽrieure ˆ 5 en Californie du Sud, montre que le prochain Ôpic de probabilitŽĠ est prŽvu autour de 2047.

Autre sujet dĠimportance, la disparition de la banquise arctique liŽe au rŽchauffement climatique. En utilisant les donnŽes issues du US National Snow and Ice Data Center de 1979 ˆ 2008 concernant la surface de banquise arctique restante (au 15 septembre de chaque annŽe), Nottale a pu proposer deux modles. Tout dĠabord une  diminution ˆ taux constant selon une ligne droite. La date estimŽe par le modle linŽaire de la disparition de la banquise arctique est de 2080-2100 ; cĠest celle des experts actuels du climat. Mais, Nottale, en utilisant une diminution suivant une loi critique, a trouvŽ un temps critique Tc = 2012, qui mne ˆ une disparition totale de la banquise arctique en septembre 2011 et encore, sans prendre en compte la diminution d'Žpaisseur, mal connue, mais estimŽe ˆ 15% par dŽcade, qui pourrait encore rapprocher cette date. Dans un  travail publiŽ en 2006[6], Nottale avait prŽdit lĠŽtat de la fonte en 2009. LĠŽtat de la banquise arctique en septembre 2011 sera un bon test de la thŽorie.

 

LĠarbre de la vie est-il fractal ?

 

Les exemples des applications des lois log-pŽriodoques ˆ la gŽophysiques ont permis ˆ Nottale de tester lĠhypothse que le vivant pourrait suivre de telles lois. CĠest ce que nous avons pu montrer en 1999 dans une notre intitulŽe[7] : L'arbre de la vie a-t-il une structure fractale ? Les travaux de Sornette et al. ont suggŽrŽ ˆ Nottale de traiter lĠarbre de la vie comme les autres arbres vŽgŽtaux structurŽs de manire fractale, mais dans le temps au lieu de lĠespace. Nottale a proposŽ une pure chronologie discrte avec une loi discrŽtisŽe. Il a montrŽ quĠon pouvait prendre comme rŽfŽrence des rapports, le temps critique Tc, bien que celui-ci soit ˆ lĠinfini du point de vue des rangs. Les premiers tests des loi-log-pŽriodiques ˆ la macroŽvolution ont ŽtŽ rŽalisŽs respectivement sur les Žchinodermes, les dinosaures sauropodes et thŽropodes, les rongeurs, les chevaux, les primates et lĠontogense humaine et enfin la vie dans son dŽveloppement global.

On a pu se demander au point de vue Žvolutif ˆ quoi correspond le temps critique. On peut alors se demander si ce temps critique ne Ç pourrait pas correspondre ˆ une perte de potentialitŽ dĠŽvolution de ce systme biologique par manque dĠinnovation È, puisquĠaucune nouveautŽ majeure nĠappara”t plus aprs cette date ?

PrŽcisons tout de suite un point trs important, si la date du temps critique peut tre calculŽe par la loi log-pŽriodique avec une certaine approximation, on ne peut cependant en aucun cas dire ce que sera la nature, ni lĠampleur de cet ŽvŽnement.

LĠintroduction de lois probabilistes (non dŽterministes du point de vue des trajectoires individuelles, qui restent imprŽdictibles, mais dŽterministes du point de vue de lĠŽvolution de structures dŽcrites en termes de densitŽ de probabilitŽ, ce que nous avons appelŽ un Ç dŽterminisme structurel È), dans des phŽnomnes structurels rŽputŽs se faire exclusivement au hasard des mutations triŽes par la sŽlection naturelle peut sembler paradoxale.

En fait il nĠy a aucune incohŽrence dans lĠexistence de ces lois dŽterministes pour les structures (cĠest le cas de la mŽcanique quantique standard, archŽtype de la perte du dŽterminisme classique, dans laquelle lĠŽquation de Schršdinger dŽpendante du temps dŽcrit bien pourtant une Žvolution parfaitement causale et dŽterminŽe de la fonction dĠonde et donc de la probabilitŽ qui sĠen dŽduit). Il sĠagit dĠune prŽdictibilitŽ ˆ caractre probabiliste. Les structures sont dŽterministes ; il sĠagit dĠun dŽterminisme essentiellement structurel.

 

Application de la relativitŽ dĠŽchelle ˆ lĠorigine de la vie et ˆ son Žvolution

 

Nottale a montrŽ que dans cette nouvelle approche trs gŽnŽrale, la dynamique classique se transformait en une dynamique nouvelle ayant un caractre quasi-quantique naturellement et spontanŽment capable de morphogense. On entend par lˆ une description en termes de densitŽ de probabilitŽ qui est donnŽe par le carrŽ du module dĠune Ç fonction dĠonde È, elle-mme solution dĠŽquations du type Schršdinger ou Schršdinger non-linŽaire. Mais cette mŽcanique macroquantique nĠinclut pas dĠautres propriŽtŽs spŽcifiques du domaine quantique standard (qui sont en fait souvent liŽes ˆ lĠŽlŽmentaritŽ), tels lĠindiscernabilitŽ de particules identiques ou le paradoxe EPR.

CĠest ainsi que lĠon sĠattend, dans ce cadre, ˆ voir appara”tre des morphologies comme les matŽrialisations des zones de plus hautes probabilitŽs. CĠest-ˆ-dire que lĠon aborde ici une thŽorie trs gŽnŽrale de lĠauto-organisation, en particulier au niveau de la morphogense et de lĠŽvolution morphologique.

Une application de cette nouvelle mŽcanique quantique macroscopique dŽduite de la relativitŽ dĠŽchelle concerne les effets dĠune augmentation dĠŽnergie du systme dans lĠespace standard. Elle ne se traduit pas comme on pourrait sĠy attendre dĠun systme classique par une augmentation de taille du systme, mais par un changement de structure se rŽalisant par un saut. LĠaugmentation dĠŽnergie ne permet pas lĠapparition dĠune nouvelle structure avant quĠelle nĠait atteint son niveau de quantification naturel suivant, un seuil dŽfini. Par exemple, dans le cas d'un potentiel d'oscillateur harmonique tridimensionnel isotrope, quand lĠŽnergie augmente dĠun facteur 5/3, (en passant du niveau fondamental qui correspond ˆ 3/2 du quantum dĠŽnergie au premier niveau excitŽ qui vaut 5/2 de ce quantum), le systme fondamental unique se divise en deux sous-systmes et un systme double appara”t. CĠest une duplication spontanŽe. Des applications au vivant sont potentiellement possibles sous une forme nouvelle, qui prend en compte le fait que ce sont des systmes hors Žquilibre, et pourrait peut-tre tre signifiantes pour certaines duplications dans le vivant, comme celle de la duplication de certaines molŽcules, en particulier des acides aminŽs (ARN et ADN), ainsi que la division cellulaire ou certains autres types de duplications. Il ne sĠagit pas bien sžr dĠ Ç expliquer È ces duplications de systmes biologiques, qui dŽpendent de nombreux autres paramtres dĠessence biologique, mais de suggŽrer lĠexistence dĠun lien profond entre duplication et Žnergie quantifiŽe.

Dans lĠespace des Žchelles, on peut passer dĠune description classique dŽterministe ˆ une description de type quantique ˆ lĠaide dĠune Žquation de Schršdinger agissant maintenant dans cet espace, permettant de rendre compte de manire probabiliste d'une organisation hiŽrarchique. En ce qui concerne l'espace des Žchelles, la discrŽtisation des structures possibles, qui dŽcrit une organisation hiŽrarchique, exprime les sauts dĠune nouvelle quantitŽ dite conservative, que Nottale a dŽnommŽ la complexergie. Des rŽsultats trs surprenants sont alors possibles.

Il faut bien distinguer les effets quantiques macroscopiques dŽjˆ connus (tels la supraconductivitŽ), au sens de la mŽcanique quantique standard fondŽe sur la constante microscopique  universelle de Planck h, de la proposition dĠune nouvelle sorte dĠeffets quasi-quantique macroscopique dŽduits de la relativitŽ dĠŽchelle et fondŽs sur une constante dĠauto-organisation qui est propre au systme considŽrŽ et nĠa plus de raison dĠtre microscopique.

Cette nouvelle mŽcanique macroquantique dans l'espace des Žchelles pourrait vraisemblablement sĠappliquer au vivant. La vie et ses premires structures pourraient nĠtre quĠune consŽquence des diverses solutions de lĠŽquation gŽnŽralisŽe de Schršdinger agissant dans lĠespace ordinaire et dans l'espace des Žchelles et correspondant ˆ un nombre croissant de niveaux hiŽrarchiques imbriquŽs respectivement et successivement, les coacervats, les procaryotes, les eucaryotes avec lĠapparition de la membrane nuclŽaire et enfin les pluricellulaires.

LĠapparition de la vie pourrait donc tre le rŽsultat dĠune structuration physique macro-quantique spontanŽe, sĠŽtant effectuŽe ˆ une pŽriode dŽterminŽe de lĠhistoire de la Terre, vers 3,8 milliards dĠannŽes, lorsque les paramtres ŽnergŽtiques du systme inorganique sont entrŽs dans les zones de probabilitŽ permettant la structuration spontanŽe du systme.

La combinaison des effets quantiques dans lĠespace des Žchelles et dans lĠespace standard permet dĠassocier la structuration hiŽrarchique du vivant ˆ celle des processus de duplication, indispensables pour la reproduction du vivant. On peut se demander si lĠauto-organisation spontanŽe des lipides en globules (micelles) nĠest pas lĠexpression macroscopique de lĠŽquation de Schršdinger gŽnŽralisŽe dans lĠespace des Žchelles ?

LĠŽtat du systme vivant unicloisonnŽ procaryote, de type bactŽrien, a durŽ longtemps, depuis environ 3,8 milliards dĠannŽes jusquĠˆ lĠapparition des eucaryotes, vers 1,5 ˆ 1,4 milliard dĠannŽes. Ce passage majeur sĠest rŽalisŽ par un saut depuis lĠŽtat fondamental de complexergie (n = 0) ˆ un premier Žtat excitŽ de cette complexergie (n = 1). Ce saut structurel sĠest traduit aussi par lĠapparition dĠune membrane nuclŽaire autour du noyau, dŽsormais lui aussi cloisonnŽ ; cĠest un cloisonnement embo”tŽ. Ce cloisonnement, dans un cloisonnement, correspond ˆ une invariance dĠŽchelle, ˆ une structuration fractale. Notons que le passage des procaryotes aux eucaryotes se traduit par une augmentation de taille des cellules de 1µm ˆ 10 µm, donc dĠun facteur 10.

Plus tard encore, le systme Vie est passŽ ˆ un nouvel Žtat excitŽ de la complexergie (n = 2) qui a permis lĠapparition dĠune nouvelle structuration fractale du vivant, celle des organismes pluricellulaires, qui sĠest rŽalisŽe un peu avant 1 milliard dĠannŽes.

Avec ces trois niveaux de complexergie, le vivant avait achevŽ, il y a environ 1 milliard dĠannŽes, sa structuration gŽnŽrale embo”tŽe en procaryotes, eucaryotes et pluricellulaires. Les sauts entre ces trois Žtats se sont rŽalisŽs temporellement selon un rŽpartition log-pŽriodique. La suite de lĠŽvolution sĠest rŽalisŽe par une diversification au sein de chacun de ces types structuraux de base par le biais des gnes de rŽgulation et des gnes ouvriers que nous avons ŽvoquŽs plus haut.

Nottale a montrŽ aussi une autre application de ÔlĠŽquation de Schršdinger gŽnŽralisŽeĠ dans la morphogense dĠune structure florale. La croissance ˆ partir dĠun centre dŽcrit par une onde sphŽrique sortante, avec brisure de symŽtrie haut-bas et force constante vers le bas, peut sĠexprimer ˆ des Žchelles diffŽrentes (collisions de particules, formes des nŽbuleuses planŽtaires). En biologie se dŽveloppent des formes florales : les pŽtales, sŽpales et Žtamines Žmergent tous de la mme solution et sont tracŽs suivant les Ôangles de probabilitŽ maximaleĠ. Le rŽsultat en est une plante identifiŽe dans nos jardins, le tulipier (Liriodendron tulipifera). Si lĠon change une variable, par exemple si lĠon inverse la force constante de tension qui dŽtermine aune courbure, on obtient une nouvelle fleur thŽorique qui pousse aussi dans nos jardins, le Platycodon, une CampanulacŽe.

GalilŽe Žcrivait dans lĠĠEssayeurĠ (1623) que Ç la nature Žtait Žcrite en langage mathŽmatique È, cela a ŽtŽ confirmŽ par LŽonard de Pise (Fibonacci) et LŽonard de Vinci qui en ont donnŽ les premires Žquations. Ce travail de Nottale ne fait que confirmer cette apprŽciation de GalilŽe, lĠinventeur de la relativitŽ.

 

En conclusions,

 

1. La palŽontologie permet de reconstituer, gr‰ce aux fossiles dŽcouverts dans un cadre stratigraphique de mieux en mieux datŽ, et environnemental de plus en plus prŽcis, lĠhistoire de la vie avec ses ŽvŽnements contingents : les radiations, dŽpendant des niches Žcologiques disponibles et les extinctions en masse, rŽsultant de lĠhistoire de la Terre.

2. La palŽontologie apporte les preuves concrtes indiscutables de lĠŽvolution des espces.

3. La palŽontologie permet dĠŽvaluer les relations de parentŽ entre les organismes par la cladistique et dĠanalyser les relations anctres-descendants en termes dĠhŽtŽrochonies du dŽveloppement.

4. La palŽontologie a permis de montrer lĠexistence de contraintes et de lois physiques universelles de Ç structuration È insouponnŽes, celles de la RelativitŽ dĠŽchelle de Nottale et lĠexistence de structurations fractales ˆ certaines Žchelles retenues par la sŽlection naturelle.

5. La palŽontologie et la physique ont montrŽ lĠexistence de rŽpartitions log-pŽriodiques des ŽvŽnements Žvolutifs majeurs : des lois de prŽdictibilitŽ ˆ caractre indŽterministe, donc probabiliste, celles de la mŽcanique quantique macroscopique.

6. Si la palŽontologie nĠapporte rien sur les mŽcanismes de lĠŽvolution que seule la biologie peut dŽvoiler, elle participe avec la gŽnŽtique et la biologie du dŽveloppement, ˆ EVO-DEVO, le nouveau stade actuel de la thŽorie de lĠŽvolution en apportant la dimension temporelle de lĠŽvolutionÉ

7. La palŽontologie nĠa identifiŽ rigoureusement Ôaucune finalitŽĠ, ni aucun Ôdessein intelligentĠ, seulement des canalisations rŽsultant de contraintes du dŽveloppement et de la sŽlection naturelle. Une interprŽtation en termes de finalitŽ et de dessein intelligent pour expliquer la complexitŽ du vivant ne relve pas de la science, mais de la philosophie ou de la religion.

8. DĠailleurs, sĠil y avait finalitŽ et dessein intelligent, y aurait-il eu des Ç extinctions massives È liŽes ˆ la Ç contingence È de lĠhistoire de la Terre ? Y aurait-il des Ç anomalies du dŽveloppement abominables, comme les anencŽphalies, les aniridia (enfants sans les yeux) ou des phocomŽlies È rŽsultant de mutations au hasard ? et une sŽlection naturelle, lĠimplacable et impitoyable loi du plus fort  ?

 

RŽfŽrences

 

Ce texte illustrant la confŽrence donnŽe le 22 novembre 2009 dans le cadre du Ç Colloque Darwin, HŽritage et enjeux pour notre SociŽtŽ È ˆ Nancy est tirŽ de lĠouvrage o se trouvent toutes les rŽfŽrences citŽes :

Nottale, L., Chaline, J. et Grou, P. 2009. Des fleurs pour Schršdinger. La relativitŽ dĠŽchelle et ses applications. Ellipses, Paris, 421p.

 

 

 

 



[1] Laboratoires de BiogŽosciences (UMR CNRS 5561) et de PalŽobiodiversitŽ et PrŽhistoire de l'EPHE, UniversitŽ de Bourgogne, Centre des Sciences de la Terre, 6 Bd. Gabriel et 143 av. V. Hugo, 21000 Dijon, France. (++33380573546 ; jean.chaline@orange.fr).

 

[2] La bouche se forme en premier, chez les deutŽrostomiens, cĠest lĠanus qui se forme en premier et la bouche en second.

[3] QuĠest-ce quĠune loi de puissance ? ConsidŽrons la suite de nombres 2, 4, 8, 16, 32É cĠest une suite de nombres qui sont appelŽs Ç puissances successives de 2 È. CĠest une loi de puissance exponentielle de raison 2 le nom du rang (1, 2, 3, 4, 5, É 23) correspond au logarithme ˆ base 2, l Ġinverse de la fonction exponentielleÉ

[4] Mandelbrot. 1975. Les Objets fractals. Flamarion, Champs, Paris.

[5] Nottale, Chaline & Grou. 2009. Des fleurs pour Schršdinger. La relativitŽ dĠŽchelle et ses applications. Ellipses, Paris, 421 p.

[6] Nottale. 2006. Un nouveau paradigme pour la physique ? Nouvelles perspectives. In : Les Grands dŽfis Technologiques et scientifiques au XXIe sicle. (Bourgeois & Grou , Eds).Ellipses, Paris,

[7] Chaline, J., Nottale, L. & Grou, P.  1999. L'arbre de la vie a-t-il une structure fractale ?  Le Point surÉ C. R. Ac. Sc. Paris, 328 (IIa): 717-726.

 

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