LES APPORTS DE LA PALONTOLOGIE Ë LA THEORIE DE
LĠEVOLUTION
Jean Chaline[1]
La palontologie est une science qui
permet de reconstituer lĠhistoire de la vie sur la terre et apporte les preuves
incontournables de lĠvolution des espces. Elle apporte la dimension
temporelle de lĠvolution.
LĠarbre de la vie
Par exemple, la gntique, par la
comparaison des gnomes des espces actuelles labore des arbres du vivant que
la palontologie confirme par les fossiles avec lĠaide de la gologie qui
permet de les dater. On obtient ainsi un arbre de diversification du vivant
dans un cadre gologique cohrent et assez bien calibr dans le temps.
On sait maintenant que les plus
anciennes traces de vie sont ÔprobablementĠ les stromatolithes (tapis de pierre) secrts par des
algues cyanophyces du type Nostoc. Ces premiers vestiges sont connus Warrawoona en
Australie o ils sont dats de -3,5 -3,3 milliards dĠannes. Mais les
premiers fossiles indiscutables de cyanobactries (cellules dĠEosphaera
tyleri et des filaments),
ainsi que des spores, ont t retrouvs dans des roches siliceuses du Guntflint
du Lac Suprieur en Ontario, dats de -2,1 milliards dĠannes.
CĠest vers -600 millions dĠannes
que se produit dans lĠhistoire du vivant la grande division entre les animaux
symtrie bilatrale (Urbilateria) et les formes radiaires (coraux). Les animaux symtrie
bilatrale se divisent eux mmes en deux groupes selon des caractristiques
embryologiques et anatomiques particulires (Protostomiens[2]
et Deutrostomiens), qui aboutissent au Cambrien, entre -542 et -530 millions
dĠannes une diversification du vivant en des anatomies entirement nouvelles
qui prfigurent dj les 30 grands plans dĠorganisation des animaux actuels. On
a appel cette phase, lĠexplosion cambrienne. L apparaissent, par exemple les
arthropodes et nos anctres, les Cords. LĠapparition des grands plans
dĠorganisation correspond ce que lĠon appelle la macrovolution, dont on sait maintenant quĠelle
rsulte des mutations des gnes de rgulation, appels les gnes Hox. On peut dire quĠau Cambrien, le
spectre des grands groupes du monde vivant actuel tait dj en place. Ensuite
lĠvolution a procd par des mutations lĠintrieur de ces plans
dĠorganisation, la microvolution qui produit la variabilit des espces et les nouvelles espces, pour aboutir la biosphre
actuelle de plus de 3 millions dĠespces.
La longue histoire de la vie a t
ponctue par une succession de phases de radiations (multiplication des espces) et dĠextinctions
massives. Les
phases de radiation se sont dveloppes lorsquĠil y avait des niches
cologiques disponibles colonisables, au dbut du Cambrien, mais elles ont t
tronques par des phases dĠextinctions massives dues des variations des paramtres
climatiques ou de la qualit des eaux marines. On a identifi deux extinctions
la fin du Cambrien, une la fin de lĠOrdovicien, deux la fin du Dvonien
et une trs grande extinction la fin du Permien o toute la faune marine a
failli disparatre. Ensuite on a reconnu une extinction mineure la fin du
Trias, une grande extinction spectaculaire la fin du Crtac o sont disparus
les ammonites et les dinosaures et enfin une extinction de plus de 200 genres
de mammifres la fin de la dernire glaciation (entre -12.000 et -8.000 ans).
Ces extinctions ont taill lĠarbre du vivant la manire dĠun bonsa. On assiste actuellement une
extinction massive des espces animales et vgtales due uniquement lĠhomme
par sa destruction des niches cologiques des espces qui vivaient l depuis
des millions ou des milliers dĠannes. Par exemple la destruction des forts
amazoniennes et celle des forts de bambous indispensables aux pandas.
La mcanique de lĠvolution des espces
Elle nous est apporte par la seule
biologie. Le stade actuel de la thorie de lĠvolution est appel EVO-DEVO, ce qui signifie Evolution-Dveloppement (Evolution pour la gntique et la
palontologie et Dveloppement pour lĠembryologie et lĠontogense).
La vie transmet un individu, ce
que quĠil reoit de ses deux parents avec des modifications, les mutations. LĠvolution est un vritable ÔbricolageĠ qui rnove et largit sans cesse le
programme gntique ancestral, grce aux Ômutations alatoiresĠ induites par les rayons ionisants
cosmiques (50%) et terrestres.
La mcanique dmontre de
lĠvolution des espces est celle des mutations de deux types de gnes, les gnes de
rgulation dj voqus, les gnes Hox de la macrovolution, et les gnes ouvriers de la
microvolution qui introduisent des modifications lĠintrieur des plans
dĠorganisation.
Le rsultat de ces mutations se
traduit dans le dveloppement embryologique des individus par des changements
morphologiques et physiologiques nouveaux ou modifis par rapport ses parents
qui sont soumis, ds la naissance, lĠenvironnement. Selon que les caractres
sont neutres, ou avantageux, les nouvelles caractristiques sont maintenues et
lĠindividu survit. Mais sĠil prsente de nouveaux caractres dsavantageux, il
peut tre limin impitoyablement par lĠenvironnement qui effectue une
slection naturelle dĠlimination. CĠest ainsi que procde lĠvolution des
espces dĠune gnration lĠautre et qui a abouti la biosphre actuelle.
CĠest ce que jĠai appel en 1988,
dans une confrence invite au Collge de France par Yves Coppens : lĠÇ Inside story È : Le gnome
et le dveloppement (internes)
proposent, en
premier, lĠenvironnement (externe) dispose, seulement ensuite.
Les tudes de gntique nous
dmontrent par exemple comment la vie est passe dĠun plan dĠorganisation avec
un systme nerveux ventral et un tube digestif dorsal (les invertbrs) un
plan dĠorganisation inverse avec
un systme nerveux dorsal et un tube digestif ventral (vertbrs). LĠinversion
dorso-ventrale entre les Invertbrs et les Vertbrs qui se situe vers -600
Ma., avait t suggre
par Geoffroy Saint-Hilaire en 1796 et moque par le crationniste quĠtait
Georges Cuvier.
Il sĠagit dĠun changement de plan dĠorganisation, qui correspond une rupture de
symtrie. On sait dsormais grce
de Robertis & Sasai (1996) que ce changement morphologique majeur est
simplement contrl par un couple de gnes de rgulation Hox antagonistes : (ddp/sog et chordin/BMP2-4), qui sĠexpriment par des protines
antagonistes, dorsalisantes, ou ventralisantes. CĠest--dire que les cellules
au cours du dveloppement reoivent des ordres qui les envoient tel ou tel
emplacement, vers le dos ou vers le ventre.
Il sĠagit dĠune mcanique souple et
conomique o les gnes Hox dterminent les limites du plan dĠorganisation et imposent des contraintes de dveloppement qui canalisent parfois lĠvolution intra-plan
par le jeu de la slection naturelle.
De la mme faon, Denis Duboule et
son quipe de Genve ont rsolue une nigme volutive, la formation des membres
des animaux quatre pattes (ttrapodes). Les membres des ttrapodes se forment
en une squence de trois phases contrles par les gnes Hox a et d 9-13 de la faon suivante : (1)
humrus/fmur : Hox d-9-10 ; (2)
cubitus-radius/tibia-pron : Hox d-11-12 ; (3) poignet-main-pied-doigt : Hox a-13 et Hox d-12-13. Un dfaut de fonctionnement des
gnes Hox a-d9-10-11-12 cause la phocomlie (absence de bras et avant-bras avec une implantation directe
des mains et des pieds directement sur le tronc). On se souvient des effets de
la thalidomide, cet analgsique conseill certaines femmes enceintes, dont la
forme commercialise tait sous forme racmique, mais dont lĠnantiomre, cens tre inactif, s'est avr provoquer des malformations
(tratogne), des phocomlies.
Les tendances volutives
Les Ôcontraintes de
dveloppementĠ et
lĠaction de la Ôslection naturelleĠ favorisent le dveloppement de certains Ç organes
avantageux È
en une vritable Ôcanalisation volutiveĠ ou Ôtendance volutiveĠ.
CĠest lĠexemple de la corne nasale
des Titanothres des mammifres tertiaires dĠAmrique (Mc Kinney & Schoch,
1985), qui prend de plus en plus dĠimportance entre lĠEocne (-56 Ma.) et
lĠOligocne (-23 Ma.). CĠest un phnomne li lĠaccroissement de la taille des
animaux, avec une allomtrie qui correspond la croissance rapide dĠun organe par
rapport au reste du corps, ici la corne, par rapport aux autres organes du
corps.
Il nĠy a aucune finalit dans les tendances volutives, simplement lĠaction des Ôcontraintes
de dveloppementĠ
qui font quĠun organe ne peut pas voluer nĠimporte comment, et celle des slections
naturelle et sexuelle.
Le mme phnomne se rencontre chez
les Primates o la Ôtendance volutiveĠ correspond Ç lĠaccroissement de la
capacit crnienne È. qui se ralise par des contractions crnio-faciales cumulatives de
plus en plus fortes mises en vidence par Delattre et Fenart dans les annes 50
et ractualises rcemment par Dambricourt-Malass.
Les altrations du dveloppement
Ce sont les htrochronies du dveloppement qui se ralisent durant le
dveloppement (ontogense) dĠanctres descendants.
Le dveloppement peut tre ralenti (dclration) ou acclr (acclration). Chez le ver Caenorhabditis elegans, on a mis en vidence un gne
htrochronique : Lin 14-gf (gain de fonction) ou pf (perte de fonction), qui ralentit, ou acclre le dveloppement. Mais le dveloppement peut tre aussi
tronqu (hypomorphose), ou allong (hypermorphose).
Un trs bel exemple est celui du dveloppement des oursins des
grands fonds de lĠOcan Atlantique dmontr par B. David, en 1986. Ë
partir dĠun embryon rond, banal dĠoursin, un dveloppement lgrement acclr
aboutit lĠoursin appel Pourtalesia qui prsente une forme de large bouteille. Un
dveloppement trs acclr partir du mme type dĠembryon, aboutit un
oursin compltement diffrent dĠun point de vue morphologique, cĠest Echinosigra
qui ressemble une
bouteille avec un col trs allong. Ce qui montre que lĠacclration du dveloppement change la forme de lĠorganisme !
Le mme processus sĠest ralis chez
les primates. Lorsque lĠon compare le dveloppement des singes suprieurs
(auquel appartenait lĠanctre commun
aux chimpanzs et lĠhomme), on constate que les caractres simiesques
adultes, notamment le bourrelet au-dessus des yeux, disparaissent par tapes
chez les adultes, tandis que les caractres juvniles des singes, tels que le
crne arrondi, sĠtendent pour devenir dominant chez lĠhomme moderne. CĠest
ainsi que lĠon a pu montrer mathmatiquement par les mthodes Procrustes, que le crne de lĠhomme adulte avait
conserv la forme de celui dĠun singe juvnile ancestral commun et que la bipdie
temporaire tait
devenue permanente chez lĠhomme.
Des contraintes physiques au vivant ?
Gould a crit dans son livre Ç La
vie est belle È
en 1989 : Ç La vie exhibe une structure obissant aux principes de
la physique, mais tout dpend de lĠchelle ou du niveau envisag. Il y a des
lois pour le cadre gnral (formes gnrales lies aux contraintes de construction
et fonctions des organismes) et la contingence pour le dtail È.
QuĠen est-il vraiment ? Il faut
faire ici appel une approche pluridisciplinaire impliquant la palontologie,
la biologie et la physique.
Depuis les annes quatre-vingt on a
commenc prendre en compte un certain nombre de phnomnes physiques qui ne
rpondent pas aux Ç lois de structuration linaire È de la physique classique (quand deux
variables sont lies selon une ligne, cf. un pendule), mais procdent de Ç lois È particulires dites Ò lois
de puissance[3] en x2È, exprimant lĠexistence potentielle de structurations
fractales sous-jacentes.
QuĠest-ce quĠune structure
fractale ? En travaillant sur les bruits de fond du tlphone, le cours du
coton et la longueur de la cte de Bretagne, Benot Mandelbrot[4]
a dcouvert une structuration universelle quĠil a nomme : Ç fractale È du latin Ç fractus È (bris, irrgulier). On dit dĠun objet quĠil est Ç fractal È sĠil possde une structure toutes
les chelles. Si elles sont identiques, Ç le fractal est dit
autosimilaire È. LĠautosimilarit
signifie que lĠon retrouve le mme motif quand on zoom sur un motif o lĠon
trouve un motif identique lĠintrieur dĠun motif identique, et ainsi de
suiteÉ Mais Mandelbrot
nĠa introduit ni thorie, ni de dynamique, cĠest le travail de Laurent Nottale
(1982) que nous allons examiner plus loin en dtail.
LĠun des plus beaux
exemples de fractale est celui des poumons humains. Le motif Ç bifurcation È se retrouve dans 16
dichotomies successives produisant 60.000 branchioles conduisant aux 60.000
acinis contenant les alvoles. LĠarbre des veines et des artres des poumons se
ralise en 23 dichotomies aboutissant aux 8 millions dĠartrioles et veines
terminales en chelles dcroissantes. On sait aujourdĠhui que le gne Hoxb-5 influence la
morphogense des branchements.
Les structures fractales
sont abondantes dans la hirarchie du vivant. On trouve des structures fractales dans les rgions
non-codantes de lĠADN, ce qui permet de compacter le filament dĠADN long de 1m
dans le minuscule chromosome. On en retrouve aussi dans la morphologie des
cellules des bactries, des algues, des plantes, des coraux et des neurones,
dans les organes (poumons, reins, vaisseaux sanguins, estomac, intestin), dans
les dplacements et oscillations des populations et mme dans les apparitions
et extinctions des espces (Dubois et Chaline, 1991). La raison de cette
abondance de structures fractales dans le vivant est simple : La fractalisation augmente les surfaces
de faon de faon considrable dans un Ôespace finiĠ et cet avantage est donc
retenu par la slection naturelle. Ainsi, les poumons humains dplis
couvriraient la surface dĠun court de tennis.
L Ôexplication des structures
fractales : la thorie de la relativit dĠchelle de Nottale
Le Ç principe de
relativit dĠchelle È dfinie par Nottale en 1982 postule que les lois
fondamentales de la nature doivent tre valides, quel que soit lĠtat
dĠchelle du systme de rfrence. Le principe de relativit dĠchelle complte le principe
de relativit de Galile, Poincar et Einstein qui sĠappliquait seulement aux tats de position,
dĠorientation et de mouvement.
La
thorie de la relativit d'chelle consiste appliquer le principe de
relativit aussi aux transformations d'chelle. Seuls les rapports
dĠchelle ont un sens, jamais une chelle absolue !
Les consquences de ce
concept sont importantes. La gomtrie courbe de lĠespace-temps de la
relativit dĠEinstein devient fractale aux petites et aux
grandes chelles cosmologiques (lois quantiques avec en particulier lĠquation
de Schrdinger gnralise et la dpendance dĠchelle), mais elle nĠest pas
fractale nos chelles (physique classique et indpendance dĠchelle). La dynamique de type classique se transforme en une
dynamique nouvelle ayant un caractre quasi-quantique, naturellement
capable de morphogense !
Lois log-priodoques et phnomnes critiques
Des lois
log-priodiques apparaissent ÔnaturellementĠ dans cette approche, quand on passe
des transformations non-linaires. Ce sont des lois de prdictibilit
caractre indterministe !
QuĠest-ce quĠune loi
log-priodique ? Une loi Ç log-priodique È montre une priodicit
dans les changements dĠchelle, en fonction dĠun logarithme de la variable comme, par exemple, lorsque
lĠon fait un zoom en continu 2, 4, 8, 16,
32).
Les premires
applications de ces lois log-priodiques ont t ralises par Sornette et
Sammis en 1995 propos du tremblement de terre de Kob au Japon. Ils ont
montr que des missions dĠions chlore (Cl-) identifis par des
capteurs ne se rpartissaient pas selon une loi linaire, mais selon une loi
log-priodique. En consquence, si lĠon avait su la signification de cette
mission dĠions chlore, on aurait pu prvoir le tremblement de terre environ
quarante heures lĠavance.
Nottale dans le livre Ç Des
fleurs pour Schrdinger È[5], a pu valuer le
prochain pic de probabilit des tremblements de terre en Californie. En prenant
les donnes de lĠUS
Geological Survey EarthQuake Data Center pour les annes 1932-2006 et Earth
Quake Data Base pour les tremblements de terre historiques, annes 1500-1932, Nottale a pu montrer que la distribution observe est trs
bien ajuste par une loi de puissance soumise une forte oscillation
log-priodique dclrant depuis lĠpoque critique de 1796. LĠhistogramme
de la distribution des dates des tremblements de terre de magnitude suprieure
5 en Californie du Sud, montre que le prochain Ôpic
de probabilitĠ est prvu autour de 2047.
Autre sujet
dĠimportance, la disparition de la banquise arctique lie au rchauffement
climatique. En
utilisant les donnes issues du US National Snow and Ice Data Center de 1979
2008 concernant la surface de banquise arctique restante (au 15 septembre de
chaque anne), Nottale a pu proposer deux modles. Tout dĠabord une diminution
taux constant selon une ligne droite. La date estime par le modle linaire
de la disparition de la banquise
arctique est de 2080-2100 ; cĠest
celle des experts actuels du climat. Mais, Nottale, en utilisant une diminution
suivant une loi critique, a trouv un temps critique Tc = 2012, qui mne une
disparition totale de la banquise arctique en septembre 2011 et encore, sans
prendre en compte la diminution d'paisseur, mal connue, mais estime 15% par
dcade, qui pourrait encore rapprocher cette date. Dans un travail publi en 2006[6],
Nottale avait prdit lĠtat de la fonte en 2009. LĠtat de la banquise arctique
en septembre 2011 sera un bon test de la thorie.
LĠarbre de la vie est-il fractal ?
Les exemples des applications des lois log-priodoques la
gophysiques ont permis Nottale de tester lĠhypothse que le vivant pourrait
suivre de telles lois. CĠest ce que nous avons pu montrer en 1999 dans une
notre intitule[7] : L'arbre
de la vie a-t-il une structure fractale ? Les travaux de Sornette et al. ont suggr Nottale de traiter lĠarbre de la vie comme
les autres arbres vgtaux structurs de manire fractale, mais dans le
temps au lieu de lĠespace. Nottale a
propos une pure chronologie discrte avec une loi discrtise. Il a montr quĠon pouvait prendre comme rfrence des
rapports, le temps critique Tc, bien
que celui-ci soit lĠinfini du point de vue des rangs. Les premiers tests des
loi-log-priodiques la macrovolution ont t raliss respectivement sur les
chinodermes, les dinosaures sauropodes et thropodes, les rongeurs, les
chevaux, les primates et lĠontogense humaine et enfin la vie dans son
dveloppement global.
On a pu se demander au point de vue volutif quoi
correspond le temps critique. On peut alors se demander si ce temps critique ne
Ç pourrait pas correspondre une perte de potentialit dĠvolution de
ce systme biologique par manque dĠinnovation È, puisquĠaucune nouveaut majeure
nĠapparat plus aprs cette date ?
Prcisons
tout de suite un point trs important, si la date du temps critique peut
tre calcule par la loi log-priodique avec une certaine approximation, on ne peut cependant en aucun
cas dire ce que sera la nature, ni lĠampleur de cet vnement.
LĠintroduction de lois probabilistes (non dterministes du point de vue des
trajectoires individuelles, qui restent imprdictibles, mais dterministes du
point de vue de lĠvolution de structures dcrites en termes de densit de
probabilit, ce que nous avons appel un Ç dterminisme
structurel È), dans
des phnomnes structurels rputs se faire exclusivement au hasard des
mutations tries par la slection naturelle peut sembler paradoxale.
En fait il nĠy a aucune incohrence dans lĠexistence de ces
lois dterministes pour les structures (cĠest le cas de la mcanique
quantique standard, archtype de la perte du dterminisme classique, dans
laquelle lĠquation de Schrdinger dpendante du temps dcrit bien pourtant une
volution parfaitement causale et dtermine de la fonction dĠonde et donc de
la probabilit qui sĠen dduit). Il sĠagit dĠune prdictibilit caractre probabiliste. Les structures sont
dterministes ; il sĠagit dĠun dterminisme essentiellement structurel.
Application de la relativit dĠchelle
lĠorigine de la vie et son volution
Nottale a montr que
dans cette nouvelle approche trs gnrale, la dynamique classique se transformait en une
dynamique nouvelle ayant un caractre quasi-quantique naturellement et
spontanment capable de morphogense. On entend par l une description en termes de densit
de probabilit qui est donne par le carr du module dĠune Ç fonction
dĠonde È, elle-mme solution dĠquations du type Schrdinger ou Schrdinger
non-linaire. Mais cette mcanique macroquantique nĠinclut pas dĠautres
proprits spcifiques du domaine quantique standard (qui sont en fait souvent
lies lĠlmentarit), tels lĠindiscernabilit de particules identiques ou le
paradoxe EPR.
CĠest ainsi que lĠon
sĠattend, dans ce cadre, voir apparatre des morphologies comme les matrialisations
des zones de plus hautes probabilits. CĠest--dire que lĠon aborde ici une
thorie trs gnrale de lĠauto-organisation, en particulier au niveau de la
morphogense et de lĠvolution morphologique.
Une application de cette nouvelle mcanique
quantique macroscopique dduite de la relativit
dĠchelle concerne les effets dĠune augmentation dĠnergie du systme dans lĠespace standard. Elle ne se traduit pas comme on
pourrait sĠy attendre dĠun systme classique par une augmentation de taille du
systme, mais par un changement de structure se ralisant par un saut. LĠaugmentation dĠnergie ne permet pas lĠapparition dĠune
nouvelle structure avant quĠelle nĠait atteint son niveau de quantification
naturel suivant, un seuil dfini. Par exemple, dans le cas d'un potentiel
d'oscillateur harmonique tridimensionnel isotrope, quand lĠnergie augmente
dĠun facteur 5/3, (en passant du niveau fondamental qui correspond 3/2 du
quantum dĠnergie au premier niveau excit qui vaut 5/2 de ce quantum), le
systme fondamental unique se divise en deux sous-systmes et un systme double
apparat. CĠest une duplication spontane. Des applications au vivant sont potentiellement
possibles sous une
forme nouvelle, qui prend en compte le fait que ce sont des systmes hors
quilibre, et pourrait peut-tre tre signifiantes pour certaines duplications
dans le vivant, comme celle de la duplication de certaines molcules, en
particulier des acides amins (ARN et ADN), ainsi que la division cellulaire ou
certains autres types de duplications. Il ne sĠagit pas bien sr dĠ Ç expliquer È
ces duplications de systmes biologiques, qui dpendent de nombreux autres
paramtres dĠessence biologique, mais de suggrer lĠexistence dĠun lien profond
entre duplication et nergie quantifie.
Dans lĠespace des
chelles,
on peut passer dĠune description classique dterministe une description de
type quantique lĠaide dĠune quation de Schrdinger agissant maintenant dans
cet espace, permettant de rendre compte de manire probabiliste d'une
organisation hirarchique. En ce qui concerne l'espace des chelles, la
discrtisation des structures possibles, qui dcrit une organisation
hirarchique, exprime les sauts dĠune nouvelle quantit dite conservative, que
Nottale a dnomm la complexergie. Des rsultats trs surprenants sont alors
possibles.
Il faut bien distinguer
les effets quantiques macroscopiques dj connus (tels la supraconductivit),
au sens de la mcanique quantique standard fonde sur la constante
microscopique universelle de
Planck h, de la proposition dĠune nouvelle sorte dĠeffets
quasi-quantique macroscopique dduits de la relativit dĠchelle et fonds sur
une constante dĠauto-organisation qui est propre au systme considr et nĠa
plus de raison dĠtre microscopique.
Cette nouvelle mcanique macroquantique
dans l'espace des chelles
pourrait vraisemblablement sĠappliquer au vivant. La vie et ses premires
structures pourraient nĠtre quĠune consquence des diverses solutions de
lĠquation gnralise de Schrdinger agissant dans lĠespace ordinaire et dans l'espace des chelles et
correspondant un nombre croissant de niveaux hirarchiques imbriqus
respectivement et successivement, les coacervats, les procaryotes, les
eucaryotes avec lĠapparition de la membrane nuclaire et enfin les
pluricellulaires.
LĠapparition de la vie pourrait donc tre
le rsultat dĠune structuration physique macro-quantique spontane, sĠtant
effectue une priode dtermine de lĠhistoire de la Terre, vers 3,8
milliards dĠannes, lorsque les paramtres nergtiques du systme inorganique
sont entrs dans les zones de probabilit permettant la structuration spontane
du systme.
La combinaison des
effets quantiques dans lĠespace des chelles et dans lĠespace standard permet
dĠassocier la structuration hirarchique du vivant celle des processus de
duplication, indispensables pour la reproduction du vivant. On peut se demander
si lĠauto-organisation spontane des lipides en globules (micelles) nĠest pas
lĠexpression macroscopique de lĠquation de Schrdinger gnralise dans
lĠespace des chelles ?
LĠtat du systme vivant
unicloisonn procaryote, de type bactrien, a dur longtemps, depuis environ
3,8 milliards dĠannes jusquĠ lĠapparition des eucaryotes, vers 1,5 1,4
milliard dĠannes. Ce passage majeur sĠest ralis par un saut depuis lĠtat
fondamental de complexergie (n = 0) un premier tat excit de cette
complexergie (n = 1). Ce saut structurel sĠest traduit aussi par lĠapparition
dĠune membrane nuclaire autour du noyau, dsormais lui aussi cloisonn ;
cĠest un cloisonnement embot. Ce cloisonnement, dans un cloisonnement,
correspond une invariance dĠchelle, une structuration fractale. Notons que
le passage des procaryotes aux eucaryotes se traduit par une augmentation de
taille des cellules de 1µm 10 µm, donc dĠun facteur 10.
Plus tard encore, le
systme Vie est pass un nouvel tat excit de la complexergie (n = 2) qui a
permis lĠapparition dĠune nouvelle structuration fractale du vivant, celle des
organismes pluricellulaires, qui sĠest ralise un peu avant 1 milliard
dĠannes.
Avec ces trois niveaux
de complexergie, le vivant avait achev, il y a environ 1 milliard dĠannes, sa
structuration gnrale embote en procaryotes, eucaryotes et pluricellulaires.
Les sauts entre ces trois tats se sont raliss temporellement selon un
rpartition log-priodique. La suite de lĠvolution sĠest ralise par une
diversification au sein de chacun de ces types structuraux de base par le biais
des gnes de rgulation et des gnes ouvriers que nous avons voqus plus haut.
Nottale a montr aussi une autre
application de ÔlĠquation de Schrdinger gnraliseĠ dans la morphogense dĠune structure
florale. La croissance partir dĠun centre dcrit par une onde sphrique
sortante, avec brisure de symtrie haut-bas et force constante vers le bas,
peut sĠexprimer des chelles diffrentes (collisions de particules, formes
des nbuleuses plantaires). En biologie se dveloppent des formes florales : les ptales,
spales et tamines mergent tous de la mme solution et sont tracs suivant
les Ôangles de probabilit maximaleĠ. Le rsultat en est une plante identifie dans nos jardins, le
tulipier (Liriodendron tulipifera). Si lĠon change une variable, par exemple si lĠon inverse la
force constante de tension qui dtermine aune courbure, on obtient une nouvelle
fleur thorique qui pousse aussi dans nos jardins, le Platycodon, une Campanulace.
Galile crivait dans lĠĠEssayeurĠ (1623) que Ç la nature tait
crite en langage mathmatique È, cela a t confirm par Lonard de Pise (Fibonacci) et Lonard de Vinci qui en ont
donn les premires quations. Ce travail de Nottale ne fait que confirmer
cette apprciation de Galile, lĠinventeur de la relativit.
En conclusions,
1. La palontologie permet de reconstituer, grce aux fossiles dcouverts dans un cadre
stratigraphique de mieux
en mieux dat, et environnemental de plus en plus prcis, lĠhistoire de la vie avec ses vnements contingents : les radiations, dpendant des niches cologiques
disponibles et les extinctions en masse, rsultant de lĠhistoire de la Terre.
2. La palontologie apporte les preuves concrtes
indiscutables de lĠvolution des espces.
3. La palontologie permet dĠvaluer
les relations de parent entre les organismes par la cladistique et dĠanalyser
les relations anctres-descendants en termes dĠhtrochonies du dveloppement.
4. La palontologie a permis de montrer lĠexistence
de contraintes et de lois physiques
universelles de Ç structuration È insouponnes, celles de la Relativit dĠchelle de Nottale et lĠexistence de structurations
fractales certaines chelles retenues par la slection naturelle.
5. La palontologie et la physique ont
montr lĠexistence de rpartitions log-priodiques des vnements volutifs
majeurs : des lois de
prdictibilit caractre indterministe, donc probabiliste, celles de la
mcanique quantique macroscopique.
6. Si la palontologie nĠapporte rien
sur les mcanismes de lĠvolution que seule la biologie peut dvoiler, elle participe avec la gntique et la biologie du dveloppement, EVO-DEVO, le nouveau stade actuel de la thorie
de lĠvolution en apportant la dimension temporelle de lĠvolutionÉ
7. La palontologie nĠa identifi
rigoureusement Ôaucune finalitĠ, ni aucun Ôdessein intelligentĠ, seulement des canalisations rsultant de contraintes du dveloppement et de la slection naturelle. Une interprtation en termes de finalit
et de dessein intelligent pour expliquer la complexit du vivant ne relve pas
de la science, mais de la philosophie ou de la religion.
8. DĠailleurs, sĠil y avait finalit et dessein intelligent, y aurait-il eu des Ç extinctions
massives È lies
la Ç contingence È de lĠhistoire de la Terre ? Y aurait-il des Ç anomalies
du dveloppement abominables, comme les anencphalies, les aniridia
(enfants sans les yeux) ou des phocomlies È rsultant de mutations au hasard ? et une slection naturelle, lĠimplacable et impitoyable loi du
plus fort ?
Rfrences
Ce texte illustrant la confrence donne
le 22 novembre 2009 dans le cadre du Ç Colloque Darwin, Hritage et
enjeux pour notre Socit È Nancy est tir de lĠouvrage o se trouvent toutes les
rfrences cites :
Nottale, L., Chaline, J. et Grou, P. 2009.
Des fleurs pour Schrdinger. La relativit dĠchelle et ses applications. Ellipses, Paris, 421p.
[1] Laboratoires de Biogosciences (UMR CNRS 5561) et de Palobiodiversit et Prhistoire de l'EPHE, Universit de Bourgogne, Centre des Sciences de la Terre, 6 Bd. Gabriel et 143 av. V. Hugo, 21000 Dijon, France. (++33380573546 ; jean.chaline@orange.fr).
[2] La bouche se forme en premier, chez les deutrostomiens, cĠest lĠanus qui se forme en premier et la bouche en second.
[3] QuĠest-ce quĠune loi de puissance ? Considrons la suite de nombres 2, 4, 8, 16, 32É cĠest une suite de nombres qui sont appels Ç puissances successives de 2 È. CĠest une loi de puissance exponentielle de raison 2 le nom du rang (1, 2, 3, 4, 5, É 23) correspond au logarithme base 2, l Ġinverse de la fonction exponentielleÉ
[4] Mandelbrot. 1975. Les Objets fractals. Flamarion, Champs, Paris.
[5] Nottale, Chaline & Grou. 2009. Des fleurs pour Schrdinger. La relativit
dĠchelle et ses applications. Ellipses,
Paris, 421 p.
[6] Nottale. 2006. Un nouveau paradigme pour la physique ? Nouvelles perspectives. In : Les Grands dfis Technologiques et scientifiques au XXIe sicle. (Bourgeois & Grou , Eds).Ellipses, Paris,
[7]
Chaline, J., Nottale, L. & Grou, P. 1999. L'arbre de la vie a-t-il une
structure fractale ? Le Point
surÉ C. R. Ac. Sc. Paris, 328 (IIa):
717-726.