Consensus et/ou dissensus en filigrane des interactions et du pouvoirScience et Philosophie

11 06 2014

François REGNIER

RÉSUMÉ

CONSENSUS et/ou DISSENSUS, en filigrane des interactions et du pouvoir François Régnier

Nous entendons davantage parler de consensus à propos d’accords divers, implicites ou supposés tels. En revanche, si nous demandons : « Quel est le contraire (l’antonyme) du consensus (le dissensus) ? » - beaucoup ne peuvent répondre. Ceux qui savent - et ils ne sont pas nombreux - ajoutent que c’est normal, car le mot dissensus est ignoré du dictionnaire français ! Notre esprit cartésien se refuserait-il à une vision intégrée de la réalité, pourtant présente du latin à l’anglais ?

Le décès d’une Personnalité contestée de son vivant se traduit bien souvent par un consensus. La mort gommerait ainsi le dissensus... De même, l’évaluation du rayonnement d’un leader politique peut se faire en termes de consensus favorable. Mais l’exprimer dans un rapport dialogique d’un consensus global rapporté à un dissensus partiel est une « carte » de la réalité politique : l’avers et le revers d’une monnaie sont indissociables de la chose.

Le dissensus est essentiel pour contribuer à une véritable dialogique avec le consensus. Ce que les Anglo-saxons nomment GroupThink, est une situation quasi totalitaire de groupe, due à un leader au pouvoir excessif qui va forcer le consensus et empêcher l’émergence d’un dissensus salvateur. Il y a de nombreux exemples, mais celui de l’état-major naval US de Pearl Harbour en 1941, dans lequel l’Amiral en charge du groupe n’admettait pas que les Japonais puissent attaquer, a eu les résultats humains et matériels désastreux que nous savons.

Ces remarques préliminaires sont à l’origine de la conférence. En effet, les sciences sociales, politiques et organisationnelles sont bien au fait de la question du consensus et du dissensus, car celle-ci est en filigrane de la décision collective. Il n’y a en effet que deux manières de décider collectivement : soit par vote, soit par consensus. C’est la démocratie occidentale qui a établi pour les citoyens le droit de se manifester publiquement par le vote. Ce qui est plus nouveau, depuis quelques décennies, c’est le recours, dans des Organisations internationales, telles l’OTAN ou la Commission européenne par exemple, à la décision par consensus : une délibération suivie d’une décision collective sans vote.

A une autre échelle, nous voyons apparaître les conférences de consensus adaptées aux pratiques professionnelles. C’est le cas dans le domaine médical ou le domaine juridique. Dans ces instances, il faut organiser l’agrégation des préférences individuelles pour actualiser la qualité des pratiques. Comme l’état de l’art n’est pas constant et qu’il subit l’impact des technologies, il faut adapter ces pratiques de façon plus suivie que par le passé. Le vote, avec ses choix limités à deux options, n’y pourvoirait pas, car l’égalité des contributeurs n’est pas la même ici et les facettes du problème sont diversifiées et nuancées. La délibération interactive est nécessaire, étant donné ces dimensions plurielles à scruter en profondeur et de façon contradictoire. Le dissensus doit donc être cité à comparaître pour établir la
« robustesse » du consensus, tout en évitant les dommages de la pensée unique.

Ces remarques et les différents exemples présentés dans la conférence, sont un apport démonstratif et concret. L’idée est de promouvoir une vision réaliste du monde contemporain, parce que celui-ci, devenu plus complexe, nécessite aujourd’hui des outils logiques majorés.

F.R. , ALS, Nancy, 12 juin 2014 

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